Mercredi 13 mars 1793

De Une correspondance familiale

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)

lettre du 13 mars 1793, recopiée livre 1 page 112.jpg lettre du 13 mars 1793, recopiée livre 1 page 113.jpg lettre du 13 mars 1793, recopiée livre 1 page 114.jpg


N° 47

Rouen le 13 mars 1793. 2e année de la république[1]

Maman,

Pour faire en sorte de ne rien oublier de ce que j'ai à vous dire, je vais le faire par ordre.

Je vous remercie d'abord de la complaisance, que vous avez eue, de répondre à mes questions. Vous demandez que je vous fasse part du temps de la clôture de nos cours. Je ne le sais pas moi-même. Ils se prolongent et ils s'arrêteront trop tôt et trop tard. Montfleury[2] ne m'a pas écrit. J'attendais de lui une réponse ; il aura eu trop peu de temps. J'ai vu hier un ami intime de Désarbret, le <Lointé> Laboche, nous avons soupé ensemble à son auberge, il vous aura donné de mes nouvelles.

Le fils de Mme Crampon est-il arrivé ? cela m'intéresse ; n'oubliez pas de m'en dire un mot dans votre première. Une chose singulière et qui va bien vous étonner : croiriez-vous que ces grosses chemises que vous m'avez fait faire, lors de mon départ, ne valent rien ? elles se hachent par morceaux. Ce matin, j'ai été bien surpris de voir celle que j'ai sur le dos, coupée par devant comme avec des ciseaux. C'est unique ! je croyais rêver. C'était comme si l'on m'eût donné des coups de couteaux dans le ventre, il en est de même derrière et sur les manches. C'est bien malheureux, c'est du linge perdu. La culotte que vous m'avez envoyée est faite, elle sera solide du moins. Mais quand je fais attention à combien cela revient ! ah !... Eh bien quand je fais attention, aussi, à la valeur représentative de nos espèces, je mets la culotte à quinze francs, et mon étonnement cesse.

Demain, la loi sur le recrutement s'effectue ici[3]. Dans ma section, on ne demande que trois hommes. Quant à moi je ne m'y trouverai pas. Les pansements des malades confiés à mes soins sont là et m'appellent. Je ne vous ai pas annoncé, je crois, que sur trente élèves je suis le 8e, c'est-à-dire le dernier des huit qui ont l'inspection des plaies. C'est ce que l'on appelle Numéraire, il n'y a d'avantage que celui d'avoir un coup d’œil général, et de se faire apprêter, par ceux qui sont au-dessous de vous, tous les appareils. Mais aussi, si l'on demandait encore des élèves, ils seraient pris dans ces huit-là.

Le chirurgien en chef[4] me témoigne beaucoup de confiance, je vous dirai même, à vous, qu'il me distingue.

Je vous embrasse, ainsi que papa[5] et la famille

Votre fils Soumis

Constant Duméril.


Notes

  1. Un décret postérieur à cette lettre (4 frimaire an II- 24 décembre 1793) déclare que l’an II ne commence que le 22 septembre 1793 et que « les actes passés du 1er janvier au 26 septembre [1793] sont regardés comme appartenant à la première année de la République ».
  2. Montfleury et Désarbret, frères d’André Marie Constant Duméril.
  3. La Convention a décrété le 24 février une levée de 300 000 hommes pour faire face à la coalition des puissances étrangères.
  4. Jean Baptiste Laumonier.
  5. François Jean Charles Duméril.

Notice bibliographique

D’après le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 112-114

Pour citer cette page

« Mercredi 13 mars 1793. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_13_mars_1793&oldid=41131 (accédée le 25 avril 2024).

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