Mardi 5 août 1879

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou)


original de la lettre 1879-08-05 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-08-05 pages 2-3.jpg


Mardi 5 août 79.

Ma chère Marie

Je devais t'écrire de Wattwiller où j'ai passé la nuit, mais au lieu de cela j'ai fait une assez longue promenade après mon bain & avant le souper.
Le soir je suis si mal éclairé que je ne puis pas écrire, mes yeux ne sont plus jeunes.
Du reste je n'ai que fort peu de nouvelles à te conter. Hier l'on n'a pas travaillé pour la Saint Dominique. Grand Messe avec musique, procession avec musique & le soir musique dans toutes les auberges. Comme M. le Curé[1] avait 22 convives je lui ai envoyé du champagne & du bordeaux fin ce qui a fait à ce qu'il paraît grand plaisir.

L'année passée M. le curé a fait une cure à Wattwiller qui lui avait fait du bien, mais il dit que cela est trop coûteux pour sa bourse qui est toujours ouverte à tous les pauvres que cette année il s'en prive. Je vais cet après-midi le trouver pour l'engager à m'accompagner. Ce sera une ½ saison s'il y consent. Il trouverait au bain 2 curés qui ont fait leurs études avec lui & qui le connaissent très bien. Cela l'engagera peut-être aussi, quitte à rentrer une heure plus tard, car pour le moment je me lève avant 5 h. il est probable que lorsque j'aurai une autre heure je ne serai plus si matinal.
L'on donne en ce moment environ 60 bains par jour ce qui est beaucoup, car outre que l'hôtel est au complet avec le chalet il y a encore du monde logé dans le village, sans parler de Mme Henriet[2] qui prend son bain chez elle.

Le temps est toujours superbe, si ce n'était la chaleur dont il ne faut cependant pas médire, car les plantes veulent aussi rattraper le temps perdu & beaucoup ont à se dépêcher.
En rentrant j'ai vu qu'à la cuisine Thérèse[3] est aux sirops, gelées, confitures de tutti frutti ; & je l'encourage à en faire beaucoup, car cette année elle n'en avait pas tout à fait assez.

Je crois vous avoir dit qu'il y a deux jours j'ai eu la visite du docteur Spiegel qui est venu à Wattwiller qu'il ne connaissait pas. le pauvre docteur est toujours hésitant & ne sait pas trop ce qu'il veut faire ; du reste nous avons peu parlé de ma proposition c'est entre le notaire & lui que cela doit se décider ; mais je vois bien qu'il aimerait bien revenir à Vieux-thann. C'est un homme qui me plaît, il est très intelligent & travailleur.
Du reste je ne pense pas que ce mois-ci le presbytère soit assez avancé pour que le curé en prenne possession & avant je ne suis pas propriétaire de sa maison à laquelle il y aura à ajouter soit une aile, soit un étage si je veux y loger un docteur avec famille.

Tu me demandes si Töpffer[4] ne parle pas de moi dans ses voyages. D'abord je n'ai fait qu'un voyage, celui de Turin, Nice, Grenoble etc. ; puis je n'ai jamais été un personnage à en parler beaucoup ; enfin publiant ses voyages il n'a pas pu laisser les noms. Tout cela fait que sans nul doute tu ne m'y chercheras en vain.

Mais sache bien ma chérie que je ne t'ai, très heureusement, jamais vu ni bien malade, ni même malade. Comme tu le dis bien, je ne te trouve pas tout à fait d'aplomb & ce n'est pas du tout une raison puisque tu te trouves déjà très bien pour que nous soyons de ton avis, nous sommes plus exigeants que cela ; il est donc bien convenu que tu vas te soigner pour moi, ton père ne demande pas autre chose & il accepte bien volontiers ce petit cadeau que tu lui donneras. Je t'assure que ce sera le plus bel ouvrage que tu me feras pour mon nouvel an.

Je tiens à ce que ma lettre vous trouve à Launay dès votre arrivée & comme je suis un peu à court de temps, je me dépêche ; au plus vite je t'embrasse pour ne pas faire attendre mon dîner, te priant de distribuer autour de toi mille amitiés
tout à toi ChsMff

Je n'ai plus qu'un cheval pour me conduire, heureusement qu'un [servand] m'est annoncé pour fin de la semaine, il est suisse.

Si vous avez ce beau temps vous allez bien jouir de votre séjour à Launay qui est toujours charmant.


Notes

  1. Louis Oesterlé, curé de Vieux-Thann de 1875 à 1881.
  2. Célestine Billig, épouse de Louis Alexandre Henriet.
  3. Thérèse Neeff, employée par Charles Mertzdorff.
  4. Rodolphe Töpffer (Charles Mertzdorff écrit « Toepfer »).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 5 août 1879. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Launay près de Nogent-le-Rotrou) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_5_ao%C3%BBt_1879&oldid=41011 (accédée le 15 novembre 2024).

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