Lundi 8 août 1859

De Une correspondance familiale

Lettre d’Eléonore Duméril (Charleville) à sa cousine Félicité Duméril (Paris)


Original de la lettre 1859-08-08-pages1-2.jpg Original de la lettre 1859-08-08-pages3-4.jpg


Charleville le 8 Août 1859

Ne m'en veux pas ma chère Félicité si je n'ai pas répondu plus vite à ta lettre, je n'étais pas à la maison lorsqu'elle est arrivée, je l'ai reçue à Amiens, et là je n'ai pu trouver un seul moment pour te donner de nos nouvelles, j'ai été enchantée de recevoir de ta chère écriture d'autant plus contente que je croyais que nous étions maintenant un peu dans la boîte aux oublis, tu ne nous as pas dit bonne amie un seul mot pour nous annoncer la naissance de ta petite-fille[1], nous l'avons appris par hasard c'est M. Cumont[2] qui nous a fait savoir cette bonne nouvelle peut-être trois semaines après, tu sais cependant bien, combien nous nous intéressons à toi, et à tous ceux qui t'entourent, j'avoue que cela nous a fait de la peine, tu ne m'en voudras pas pour te dire cela, c'est que vois-tu excellente amie, je t'aime véritablement et j'ai besoin de ton affection et de celle de toute notre famille, lorsque tu verras ton excellente Caroline[3], dis-lui combien nous sommes enchantées de la savoir heureuse, maman[4] se joint à moi pour la féliciter de son bonheur d'être maman cette bonne mère a eu bien du mal à se décider à se mettre en route car tu sauras qu'elle est avec moi à Charleville nous sommes ici une partie de la famille ce qui rend notre voyage on ne peut plus agréable, Félicité, Jules et leur fille Anna[5], nous ont accompagnés nous les avons pris à Amiens, Malard et son fils Georges[6] étaient aussi de la partie, ces derniers étaient venus l'un pour conduire son fils, l'autre pour passer ses examens, il n'a que seize ans et demi et il a été reçu bachelier avec de très bonnes notes, ce qui rend ses parents bien heureux comme tu le penses bien, nous avons fait comme tu le vois notre petit tour de France, de St Omer nous sommes allés à Douai où nous avons passé une huitaine de jours près de notre bon Alfred[7], de là à Amiens, où nous avons vu ce cher Alphonse[8], nous avons été très peu avec lui, ce pauvre ami est si occupé il n'a pas une seule minute à lui c'est une place bien fatigante, il faut un fameux tempérament pour résister si encore on était payé en proportion du mal que l'on a, mais c'est à peine si on trouve le moyen de mettre les deux bouts ensemble, on n'y parvient même pas en se privant de bien des choses, je trouve que c'est bien pénible d'être obligé de passer chaque semaine quatre nuits de suite, maman qui était effrayée de la longueur de la route se trouve parfaitement, le changement d’air lui fait bien, elle a une mine charmante, Alphonse veut que l'année prochaine elle aille à Versailles, afin d'aller tous les ans visiter une partie de sa famille. Le pays que nous venons de parcourir est charmant, il est impossible de s'ennuyer en route, qui est cependant bien longue d'Amiens à Charleville on compte 120 lieues nous n'avons été qu'à une heure de Paris. c'est un voyage que je ferai avec bien du plaisir que celui-là, je serai si contente de vous revoir tous, il est à croire que nous n'aurons pas encore le bonheur de voir mon oncle[9] cette année à St Omer, il ne nous répond pas, c'est un voyage qu'il ne veut plus entreprendre, il est vrai que mon pauvre père[10] n'est plus là, il trouverait cependant des cœurs qui lui sont bien dévoués, et qui l'affectionnent comme un père, nous sommes ici jusqu'à la fin de ce mois, puis nous irons rejoindre cette chère Léonide[11] qui doit bien s'ennuyer toute seule, j'en sais quelque chose, l'année passée c'était moi qui était gardienne de maison, et le temps m'a paru bien long, si notre excellent oncle pouvait venir nous visiter au mois de septembre nous serions bien heureux, parle un peu pour nous, qu'il fasse un petit effort pour l'inciter au voyage. Nous avons trouvé Thelcide et toute sa charmante famille en bonne santé, tous ses enfants sont bien intéressants, ils sont si joyeux d'avoir leur bonne-maman près d'eux. adieu ma chère Félicité il faut que je te quitte mais pas avant de t'avoir embrassée autant que je t'aime, pense quelquefois à une amie qui t'aime bien sincèrement

Tout à toi de cœur

Eléonore

P.S. dis je te prie mille choses aimables de notre part à tous tes entours. Maman, Thelcide, Félicité <et> enfin toute la famille se rappellent à votre bon souvenir. Nous venons de recevoir une lettre de mon oncle qui nous annonce une nouvelle qui nous rend tous on ne peut plus heureux : Malard s'il n'était pas si occupé dans ce moment à cause de la distribution des prix, lui écrirait immédiatement mais cela lui est impossible, il remettra ce plaisir à quelques jours, nous resterons ici pour voir cet excellent oncle qui nous <informe> qu'il <vienne> le plus vite possible, nous sommes impatients de l'embrasser et de lui dire de vive voix combien il nous est cher.

Lorsque tu écriras à Eugénie[12] rappelle-moi à son souvenir


Notes

  1. Marie Mertzdorff, fille de Caroline, est née le 15 avril 1859.
  2. Valéry Cumont qui habite à Lille, oncle maternel de Félicité.
  3. Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff.
  4. Catherine Schuermans, veuve de Florimond Duméril l’aîné.
  5. Félicité Duméril, sœur d’Eléonore ; son époux Jules Martin, juge de paix et maire d’Oisemont et leur fille Johanna dite Anna, âgée de 13 ans.
  6. André Malard est l’époux de Thelcide, autre sœur d’Eléonore. Il est directeur du collège de Charleville. Ils ont sept enfants.
  7. Alfred Duméril, autre frère d’Eléonore, est professeur.
  8. Alphonse Duméril, autre frère d’Eléonore, est employé de chemin de fer.
  9. André Marie Constant Duméril fera en fait ce voyage à Charleville en septembre (comme annoncé à la fin de la lettre) avant de rendre visite à la famille Mertzdorff à Vieux-Thann.
  10. Florimond Duméril l’aîné (dit Montfleury), frère d’André Marie Constant, est mort en 1857.
  11. Léonide Duméril, sœur d’Eléonore et célibataire comme elle.
  12. Eugénie Duméril, sœur de Félicité et épouse d’Auguste Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Lundi 8 août 1859. Lettre d’Eléonore Duméril (Charleville) à sa cousine Félicité Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_8_ao%C3%BBt_1859&oldid=57840 (accédée le 18 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.