Lundi 22 octobre1883
Lettre de Paule Arnould ( Paris) à son amie Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Vieux-Thann)
Paris 22 Octobre 1883.[1]
Ma Marie chérie,
Je viens d’avoir le très grand bonheur d’embrasser ta Belle-Mère[2] que j’aime tant, et surtout qui aime notre Mathilde[3] comme un petit nombre d’amis seulement savaient le faire, quoiqu’elle ait inspiré de si nombreuses sympathies. Par elle, j’ai eu sur toi des détails qui m’ont fait un plaisir infini ; quoique ta bonne lettre m’ait bien mise au courant de vous, j’en étais arrivée aux jours que tu me signalais comme ceux du voyage, et je ne savais plus où te joindre. Ma Marie chérie, ce pèlerinage à Vieux-Thann[4] doit te remplir le cœur de mille choses tristes et douces que je partage avec toi, comme j’ai partagé toutes les phases de vos inquiétudes et de votre chagrin. Je les comprends d’autant mieux que notre rentrée ici nous en a fait sentir beaucoup, et que Père et Mère[5] font au Vivier ce que tu fais à Vieux-Thann dans ce moment. Ils y sont partis Vendredi dernier pour faire un tour de propriétaires et reprendre beaucoup de choses qui ont appartenu à notre chère Mathilde. Tu sais tous les détails très durs qui s’imposent en pareilles circonstances. Nous n’avions rien fait avant de partir, et je ne puis te dire combien les rangements que nous avons entrepris m’ont paru pénibles. Autant j’ai été heureuse de retrouver dans cet appartement les souvenirs des heureuses heures et des grands exemples du passé, autant je me sens peu de courage devant cette partie matérielle, inévitable pourtant. J’ai retrouvé, et je soigne avec amour, les plantes vertes que tu as données à Mathilde et à moi, et sur lesquelles ses yeux se sont reposés tant de fois. Ce double souvenir m’est très précieux.
Madame de Fréville m’a dit comme notre chère Émilie[6] avait été troublée dans son séjour à Fontainebleau par la santé de son beau-père[7]. Oh ! j’ai bien pensé que l’absence de leurs pères et de leurs mères mettraient un peu de tristesse au fond de leur cœur, dans le tien aussi, ma Chérie, qui as trouvé une si maternelle tendresse dans ta seconde famille. Ta Belle-Mère trouve Robert[8] trop sage et Jeanne[9] bien intelligente et bien gentille ; que je serai contente de voir ces bons petits. Je suis pourtant jalouse de Robert, car Geneviève[10] n’a que deux dents ! Je sais que tu passeras à Paris ; tu serais bien bonne de me faire dire quand, pour que j’aille t’embrasser. Mais je te défends absolument de m’écrire toi-même et surtout de monter, d’autant plus que Père et Mère n’y sont pas. Je passerai d’ailleurs un de ces jours chez toi si tu ne m’as rien fait dire Dimanche.
A bientôt, ma chérie, je t’envoie toutes mes tendresses et te charge pour ton Mari[11] de nos souvenirs à tous les trois. Un bon baiser à ma petite Jeanne.
Bien à toi
Paule
Notes
- ↑ Lettre sur papier deuil.
- ↑ Sophie Villermé, veuve d'Ernest de Fréville.
- ↑ Mathilde Arnould, sœur de Paule, décédée le 25 août.
- ↑ Vieux-Thann où Charles Mertzdorff, le père de Marie et Émilie, est mort le 2 mars 1883.
- ↑ Edmond Arnould et son épouse Paule Baltard.
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie, vient d'épouser Damas Froissart.
- ↑ Joseph Damas Froissart, époux d'Aurélie Parenty.
- ↑ Robert de Fréville (né en décembre 1882).
- ↑ Jeanne de Fréville.
- ↑ Geneviève Arnould (née en septembre 1882), nièce de Paule.
- ↑ Marcel de Fréville.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Lundi 22 octobre1883. Lettre de Paule Arnould ( Paris) à son amie Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_22_octobre1883&oldid=53247 (accédée le 21 novembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.