Lundi 22 janvier 1883
Lettre d’Émilie Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris), jointe à une lettre disparue à Aglaé Desnoyers-Milne-Edwards
22 Janvier 1883.
Ma chère Marie,
Comme tu vois tante[1] tous les jours, je joins à ma lettre pour elle ce petit mot, car je veux t’apprendre tout de suite la surprise et le grand bonheur que nous venons d’avoir, bonheur que tu ressentiras aussi bien vivement. Tante t’a peut-être dit, car je le lui ai raconté, qu’il y a quelques temps, voyant papa[2] dans un de ses moments de tristesse que tu connais, je lui ai demandé s’il ne lui serait peut-être pas agréable de voir un prêtre, car souvent cela console et soutiens et jamais cela ne peut faire mal. Ayant obtenu une réponse très évasive je ne suis naturellement pas revenue à la charge, d’ailleurs papa m’avait dit que s’il le désirait il le demanderait. L’autre jour, l’oncle Georges[3] étant venu le soir, la conversation est tombée sur ce sujet, l’oncle lui a raconté que lors de sa maladie il l’avait fait et s’en était fort bien trouvé. Je ne sais si c’est cela qui a décidé papa, toujours est-il qu’hier, M. le Curé[4] étant venu, comme il le fait souvent, pour lui demander de ses nouvelles, papa m’a priée de sortir de la chambre [ ] et lorsque je suis rentrée [ ], papa m’a annoncé que M. le Curé viendrait le lendemain matin à 7h lui apporter la communion et m’a dit cela avec son calme ordinaire comme la chose la plus naturelle du monde. Le soir je lui ai dit que j’étais bien heureuse de ce qu’il avait fait et que je l’en remerciais [sachant] bien qu’il le faisait aussi un peu pour nous faire plaisir. Il m’a répondu qu’en effet, il le faisait beaucoup pour nous, mais qu’il avait fait pour nous des choses bien plus difficiles encore, qu’après la vie qu’il avait toujours menée [une confession] n’avait rien de pénible et qu’il souhaitait à tout le monde de pouvoir en dire autant. Ce matin, M. le Curé est venu à l’heure dite, papa s’est réveillé à ce moment-là et tout s’est passé avec le plus grand calme et la plus grande dignité. Combien j’ai pensé à toi pendant ce temps, petite sœur chérie, et combien tu aurais été heureuse comme moi de te trouver auprès de notre bon père. Notre chère tante me manquait bien aussi ; enfin j’espère que nous ne tarderons pas à nous revoir, pour moi il me semble que nous sommes séparées depuis un siècle.
Papa s’est levé à 9h comme toujours, il ne va pas mal aujourd’hui, il a mangé un peu plus qu’hier et paraît plus gai. Il a en ce moment la visite de M. Kohl.
Adieu, j’aurais voulu t’écrire plus longuement, mais tante te donnera les détails que je n’ai pas le temps de te dire. Je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime, ainsi que Jeanne et Robert[5]. Papa t’embrasse et te remercie bien de ta lettre. Mes amitiés à Marcel[6].
Émilie
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Lundi 22 janvier 1883. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris), jointe à une lettre disparue à Aglaé Desnoyers-Milne-Edwards », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_22_janvier_1883&oldid=40397 (accédée le 21 novembre 2024).
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