Lundi 15 janvier 1877 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1877-01-15B pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-01-15B pages 2-3.jpg


Lundi 15 janvier 77

Ma chère Marie

Dans la crainte qu’il ne m’arrive encore quelques empêchements comme hier je t’écris ces quelques lignes avant d’aller à la fabrique qui cependant a grand intérêt en ce moment car je n’ai encore rien vu & suis à peine installé à mon bureau quoiqu’il soit près 11 h.

La nuit de voyage n’a pas été mauvaise mon compartiment était assez garni de voyageurs, il n’était pas de fumeurs & cependant tout le monde fumait j’ai fait comme tout le monde & cependant j’aurais préféré d’une autre distraction.

à Mulhouse j’ai trouvé Léon[1] qui très aimablement m’attendait à la gare, il m’a donné des nouvelles de ces dames[2] qui me priaient de rester à dîner chez elles mais après une nuit de voyage j’ai prié ces Dames de m’excuser & ai continué ma route.

Je me suis arrêté chez l’Oncle Georges[3] qui ne sortait pas depuis 8 jours, je l’ai trouvé bien & en effet en ce moment il est là à son bureau parfaitement bien portant. Lorsqu’il prendra sa retraite de beaucoup chasser etc etc… Il est très heureux que l’on oublie si vite ses tristes infirmités. Vers 11 h. sont venus, bonne-maman[4] qui sortait de la messe, une demi-heure après le bon-papa[5], qui venaient dîner avec moi c’était une partie organisée. L’on m’a accablé de questions pendant ces quelques heures que nous avons passé ensemble, l’on voulait tout savoir.
L’on ne m’a quitté qu’à 4 h. j’avais à peine eu le temps de me laver les mains pour le dîner quant au reste de la toilette il m’a fallu attendre... à ce matin.

Lorsqu’enfin je suis seul, je cherche mes clefs ; impossible [elles] sont dans la commode qui se trouve dans mon cabinet de toilette & là cachées dans une certaine petite boîte contenant d’anciennes petites cravates rubans etc. elles sont là-dessous, la clef de la commode est bien là à sa place, mais toute cassée. Je vais chez mon oncle lui demander si c’est lui qui en cherchant mes clefs, car c’est lui seul qui connaissait ma cachette, n’avait pas cassé ma clef & en même temps caché la clef de l’armoire à glace que je laisse toujours à la serrure.

Il commence par me dire qu’il n’a pas été dans ma chambre à coucher, qu’il n’a fait que chercher dans mon armoire à glace. enfin je vois qu’il ne se souvient plus du tout de ce qu’il a fait pour chercher une clef. qu’il avait dans sa caisse, la clef de mon bureau au bureau… il faut que j’aille chez Jaeglé[6] chercher la clef de la caisse. etc... enfin il est 6 h lorsque je puis constater que je ne retrouve pas une seconde clef ouvrant ma commode. Idée me prend d’essayer la clef de la commode de Léon[7], elle ouvre - sauvé. Mais je constate un certain désordre dans le tiroir la petite boite violette est ouverte, les chiffons qui s’y trouvent sont en désordre & pas de clef. Juge de ma frayeur. 3 ouvriers seulement qui ont assez longtemps travaillé au petit cabinet deux menuisiers & Meyer le chaudronnier. Suis-je volé, impossible de le constater puisque je n’ai pas de clefs. Naturellement Thérèse[8] n’avait touché à rien, elle était comme moi fort inquiète. Ce n’est que fort tard vers 11 h que j’ai trouvé mes clefs que probablement mon Oncle ne pouvant plus rouvrir ma commode pour les mettre à leur place les a jetées dans un [tiroir] après avoir cassé l’an<sup>n</sup>eau qui les unissait. Enfin j’ai mes clefs & ai trouvé tout en ordre. Ce n’est que tard tard que je me suis couché à cause de tant de circonstances. Mais j’ai passé quelques heures réellement fort ennuyé & de très mauvaise humeur.

Comme tu vois j’ai passé hier une journée peu agréable & n’ai rien fait du tout de tout ce que j’aurais voulu je n’avais même pas de papier & rien pour vous écrire, tout étant sous clef. Ce matin j’ai rangé mon bureau qui a été remis tout à neuf. & beaucoup trop à neuf car l’on a jugé à propos d’enlever des additions que j’avais fait faire & qui ne convenaient pas à Maître [Neeff] le menuisier.
En voilà bien long sur deux malheureuses petites clefs, je t’en demande pardon, mais un moment trop long je me suis fait toutes sortes de suppositions désagréables.

Il est tard, je n’ai du reste plus que la place de vous embrasser tous de tout cœur ton père qui t’aime.

ChsMff


Notes

  1. Léon Duméril.
  2. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler et sa fille Marie Stackler, fiancée de Léon Duméril.
  3. Georges Heuchel (« mon oncle »).
  4. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Frédéric Eugène Jaeglé, gérant de l’usine.
  7. Léon Duméril.
  8. Thérèse Neeff, bonne chez Charles Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 15 janvier 1877 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_15_janvier_1877_(B)&oldid=42621 (accédée le 29 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.