Jeudi 9 mars 1882 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Paris 9 Mars 82[1]

Mon cher Papa,

Que deviens-tu ? Faut-il nous inquiéter, nous désoler de ton silence ? Pourquoi ne nous écris-tu pas ? Depuis près de 8 jours qu’Émilie[2] est souffrante nous n’avons pas reçu un pauvre petit mot de toi ! Nous ne nous abordons plus que par ce mots : As-tu des nouvelles de papa ? et toujours même réponse négative. Que devient-il donc ce papa ? Est-ce qu’il oublie ses filles ? est-ce qu’il est fatigué, triste ? Oh ! mais alors qu’il nous l’écrive, cela nous ferait tant de bien de savoir ce qu’il pense, d’être avec lui au moins par le cœur. Quand viendras-tu mon petit Papa ? tu vois que tu es parti en nous laissant le doux espoir que ton absence ne serait pas trop longue et pour justifier ta parole et réparer le manque de lettres il va falloir que tu nous arrives bien vite. Jeanne[3] devine je crois qu’elle va bientôt avoir ta visite, aussi elle se dépêche de reprendre sa bonne mine et sa gaieté ; je suis sûre que tu la trouveras encore changée non physiquement, car son visage a plutôt fondu, mais elle fait bien des petits progrès qui nous amusent beaucoup. Les images que son papa[4] lui [  ] font ses délices, de plus elle commence à jouer dehors avec les petits cailloux et sa pelle et ce nouvelle exercice est fort de son goût au grand détriment des robes et des manteaux qui sont impitoyablement traînés dans la poussière.

Nous avons passé hier notre soirée au Jardin dans la chambre d’Émilie qui s’était levée dans la journée mais qui à 6h avait regagné son lit ; malgré cela je l’ai trouvée bien. Nous étions fort réduits : Mme Trézel[5] était restée chez elle à cause d’un fort rhume, Jean[6] était dans son lit et sa mère[7] lui tenait compagnie ; il n’y avait donc que Mme Pavet et Marthe[8] en plus des hôtes habituels. Nous sommes rentrés fort tard, nous étant oubliés à causer comme cela arrive souvent lorsqu’on est réuni.

Nous avons aujourd’hui comme hier un temps idéalement beau, on se croirait en été, nos lilas ont déjà de petites feuilles, aussi le petit jardin devient fort agréable.

J’ai vu bien souvent tous ces jours-ci bon-papa et bonne-maman[9], ils vont parfaitement tous deux.

Adieu, mon cher petit Papa, à bientôt j’espère une lettre de toi nous disant que tu vas bien ; je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime.

ta fille

Marie      


Notes

  1. Lettre sur papier-deuil.
  2. Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Jeanne de Fréville, fille de Marie.
  4. Marcel de Fréville.
  5. Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
  6. Jean Dumas.
  7. Cécile Milne-Edwards, épouse d'Ernest Charles Jean Baptiste  Dumas.
  8. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille et mère de Marthe Pavet de Courteille.
  9. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Jeudi 9 mars 1882 (A). Lettre de Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_9_mars_1882_(A)&oldid=40183 (accédée le 15 novembre 2024).

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