Jeudi 6 janvier 1916
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart
6 Janvier
Comment vas-tu, mon pauvre garçon ? Je voudrais bien avoir de tes nouvelles. As-tu cessé de souffrir ? es-tu frais et dispos pour aborder les examens[1] ? Nous pensons beaucoup à toi et voudrions à tout instant savoir où tu en es.
Mais quand je te parlerai de tes maux, cela ne les guérira pas, et peut-être vaut-il mieux y faire diversion en te racontant les quelques rares choses qui peuvent t’intéresser dans notre vie de Brunehautpré. Es-tu au courant du roman de notre ami Bétin auquel Michel[2] a mêlé ton papa[3] ? Il est malade de la fièvre typhoïde dans une ambulance près d’Arras, très près du front et sa fiancée Mlle Ledru[4] (qui se dévoue corps et âme au patronage de l’Abbé Labourt pour s’occuper et se distraire) voudrait aller voir son fiancé. Mais comment faire ? c’est bien difficile. Michel sans connaître la situation lui a parlé de notre auto. Mais il ne se doute pas de la difficulté qu’ont les autos à circuler ici et de l’impossibilité à les faire approcher du front ! Ton papa a étudié la question et pense qu’on aurait une chance vague de réussir par chemin de fer, charrettes et autres véhicules de fortune, et sous le couvert de son uniforme. Il vient d’écrire tout cela à Mlle Ledru et se met à sa disposition pour l’accompagner tout en ne lui dissimulant pas les difficultés de l’entreprise et le peu de chances de succès.
Plus je pense à l’entreprise encore plus difficile dont je te parlais pour aller chercher Elise[5], plus elle m’apparaît irréalisable, j’irai pourtant étudier la question à Paris et probablement en Suisse aussitôt que je me sentirai bien remise, je tousse un peu plus depuis quelques jours et dois être prudente.
T’ai-je dit que M. le Doyen[6] a pris possession de son presbytère le jour de Noël ? il se trouve si bien et si confortablement installé. Le fait est que le contraste est grand !
Je suis contente que tu aies retrouvé Lequenne, c’est un brave garçon, nous ne savions pas où il était et ton papa le soupçonnait un peu, bien à tort, tu vois, de s’être embusqué quelque part.
Gaston[7] est allé avec Goliath passer le jour de l’an et le Dimanche à Gapennes[8], avec son petit Louis ; et Marguerite nous a envoyé par lui une photo de Gaston, un agrandissement d’une photo d’amateur, de Lucie[9] peut-être, qui le rappelle bien peu.
Soigne-toi bien, aussi bien que tu peux, mon pauvre petit et donne-nous de tes nouvelles.
Je t’embrasse tendrement.
Emy
C’est lundi que nous avons reçu ta lettre au crayon du 31. Je t’en remercie beaucoup.
Je suis contente de savoir que tu as reçu ton paquet. Contente aussi que tu reçoives un bon accueil au 41, mais ceci je n’en doutais pas.
Notes
- ↑ La licence de philosophie.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Damas Froissart.
- ↑ Pauline Ledru.
- ↑ Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
- ↑ Jean Baptiste Legay, doyen de Campagne-les-Hesdin.
- ↑ Gaston, jardinier chez les Froissart.
- ↑ Gapennes dans la Somme (arrondissement d’Abbeville).
- ↑ Lucie Froissart, épouse d’Henri Degroote.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 6 janvier 1916. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Campagne-lès-Hesdin) à son fils Louis Froissart », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_6_janvier_1916&oldid=55492 (accédée le 10 octobre 2024).
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