Jeudi 26 mai 1808
Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à sa belle-mère Rosalie Duval (Amiens)
N° 189
Paris 26 Mai 1808
Ma très chère Maman
Serez-vous assez bonne pour me pardonner un silence, auquel j'ai été entraînée par l'idée que malgré que je ne vous écrivisse point, vous aviez souvent de mes nouvelles, et beaucoup de détails sur une petite fille[1] dont vous entendez sûrement parler avec plaisir et intérêt ; il est vrai que ceux que vous donnerait sa maman qui ne la perd presque pas un instant de vue, pourraient avoir encore plus d'intérêt pour vous, mais vous pourriez bien venir à trouver qu'elle en fait trop constamment l'éloge. Aujourd'hui avant de vous faire le récit de ses gentillesses, je veux vous entretenir d'un autre petit être, qui, s'il est un garçon donnera beaucoup de joie à ses parents, et qui, s'il est une fille sera également bien reçu et chéri. Notre désir à Constant[2] et à moi, est que vous veuillez bien lui accorder la même protection que celle que notre cher Papa[3] a accordée à Caroline. Mon Père[4] nous a promis d'être son Parrain, et nous voudrions bien lui voir pour Marraine sa bonne Maman Paternelle. Nous voudrions bien aussi que si vous consentez à notre demande, cela fût une occasion pour vous de nous faire une visite qui nous serait si précieuse, et nous vous presserions beaucoup à vous décider à ce voyage, si nous ne sentions pas qu'il peut y avoir une raison qui vous fasse répugner à le faire maintenant ; cependant si cet obstacle n'était pas invincible, veuillez songer à la joie que nous aurions à vous recevoir, et à vous faire connaître notre petite famille. Quoique je ne mette l'époque de mes couches que pour le milieu ou la fin de Juin, je suis déjà si grosse et si fatiguée que je m'attends à accoucher plus tôt. J'éprouve dans cette grossesse une chose dont je ne m'étais presque pas aperçue dans celle de Caroline, ce sont des douleurs dans les jambes, les genoux et les cuisses, ressemblant parfaitement à du rhumatisme, et qui sont si fortes par moments, qu'à peine je peux marcher, elles me gênent assez pour les petits soins à donner à Caroline, heureusement que cette chère petite devient beaucoup moins fatigante depuis qu'elle marche parfaitement seule et qu'elle est tout à fait remise de la fièvre catarrhale qui l'a rendue si malade pendant 15 jours ; elle avait beaucoup maigri et pâli, mais nous avons la satisfaction de lui voir reprendre, presque à vue d’œil, son embonpoint et son bon teint, accompagnés d'une gaieté et d'une bonne humeur charmantes. Son Papa en est tous les jours plus fou, et il en prend souvent les mêmes soins que moi, je voudrais bien que vous puissiez le voir sous un point de vue qui serait tout nouveau pour vous et qui vous le ferait aimer encore plus s'il était possible. J'ai eu le chagrin de voir d'assez fréquentes migraines à ce bon ami depuis quelque temps, d'ailleurs il se porte bien, et il se dispose à commencer son cours au jardin des Plantes le 2 de Juin. La démission de M. de Lacépède n'étant point encore acceptée par le Muséum, il a demandé à Constant de continuer à le remplacer ; il a même accompagné cette demande de celle d'accepter les émoluments de la place, en entier. Vous comprendrez comment cela nous a donné beaucoup de satisfaction au moment où nous voyons augmenter nos dépenses.
Nous voudrions pouvoir vous donner des nouvelles de notre frère Auguste[5], mais nous n'en savons que d'indirectes, elles annonçaient son départ de Flessingue le 10 ou le 12 de Mai. S'il avait suivi ce projet il devrait être arrivé à Amiens depuis plusieurs jours. Nous espérons que vous êtes tous en bonne santé, veuillez dire à ma sœur[6] que je tâcherai de lui écrire avant d'accoucher, qu'en attendant nous avons remis avant-hier à M. Poulain ce dont elle m'avait demandé de lui faire l'emplette. Caroline lui fait une fort jolie révérence (car elle sait la faire), et Constant et moi nous l'embrassons, ainsi que vous et notre cher Papa. Recevez je vous prie très chère Maman l'expression de mon respectueux attachement. Mes amitiés je vous prie au frère Désarbret[7], et aussi au petit bonhomme[8].
Alphonsine Duméril
Notes
- ↑ Caroline Duméril (l’aînée), née en mars 1807.
- ↑ André Marie Constant Duméril.
- ↑ François Jean Charles Duméril.
- ↑ Daniel Delaroche.
- ↑ Auguste (l’aîné), frère d’AMC Duméril.
- ↑ Sa belle-sœur Reine Duméril.
- ↑ Joseph Marie Fidèle dit Désarbret, frère d’AMC Duméril.
- ↑ Possiblement Florimond Duméril dit Montfleury (le jeune), âgé d’une dizaine d’années.
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 3ème volume, p.20-23)
Annexe
A Madame
Madame Duméril
Petite rue Saint Rémy n°4
A Amiens
Pour citer cette page
« Jeudi 26 mai 1808. Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à sa belle-mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_26_mai_1808&oldid=40012 (accédée le 21 novembre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.