Jeudi 1er juin 1882

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


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Jeudi 1er Juin 1882[1].

Mon Père chéri,

Si je ne t’ai pas écrit hier, c’est que tu savais par ma dernière lettre que notre Jeannot[2] allait bien et que tu ne pouvais donc pas te préoccuper. Je te dirai la même chose aujourd’hui. J’ai été la voir hier à la fin de la journée, elle avait beaucoup grogné, paraît-il, tout le long du jour, mais je n’aurais pu m’en douter. Elle m’a fait un accueil des plus aimables, et nous avons passé une heure à rire toutes les deux et à jouer. L’arrivée d’oncle[3] a mis le comble à sa joie et pour mieux l’exprimer, elle s’est mise à marcher et même à courir, elle n’avait pas posé le pied par terre depuis Samedi aussi Marie[4] était-elle toute heureuse. La pauvre petite a un appétit insatiable, elle passe son temps à montrer sa casserole, puis le bec de gaz pour qu’on lui fasse chauffer sa panade, car le lait est toujours passé de mode, elle trouve sans doute qu’on lui en a trop donné quand elle était malade.

Et toi mon père chéri, comment vas-tu ? Voilà huit jours que tu n’as donné signe de vie ; faut-il nous inquiéter ou considérer au contraire cela comme un bon signe ? faut-il penser que ton silence indique que tu es triste et souffrant, ou bien trop occupé pour trouver un petit instant ? J’aimerais bien qu’un petit mot vienne nous tirer de notre incertitude.

Je pense que nous pourrons tout à l’heure prendre notre leçon dans la ménagerie[5], car le temps est superbe ; hier au contraire il faisait vraiment froid.

Je ne suis pas encore sortie aujourd’hui ; tante[6] est allée toute seule faire des courses assez ennuyeuses. Il est bien rare pourtant que je ne lui fasse pas escorte. J’ai employé mon temps fort agréablement à travailler et à chanter alternativement.

Demain nous devons aller de 10h1/2 à 11h1/2 tenir une bourse à l’exposition pour nos sœurs de Niederbronn[7] ; je doute que nous fassions beaucoup, car elles n’ont que le rez-de-chaussée, et le Vendredi est un jour où l’entrée est de 5 F, cela doit diminuer beaucoup le nombre des curieux. Espérons que la qualité rachètera la quantité, mais j’en doute !

Écris-moi donc, père chéri, quels sont tes projets pour cet été. Quand viendras-tu ? Il est toujours bien décidé que nous irons tous passer le mois de juillet à Launay, M. Edwards[7] y viendra probablement aussi, mais le mois d’Août n’a rien de fixé et septembre avec bon-papa Desnoyers[8]. Quant à Octobre il est toujours réservé pour Vieux-Thann.

Adieu mon bon père, je t’embrasse mille et mille fois. Sais-tu que du 4 mai au 1er juin il y a déjà plus de 3 semaines. Si ton silence cachait une surprise et que tu attendes seulement pour pouvoir nous annoncer le jour de ton arrivée ! Comme ce serait gentil et comme tes filles seraient contentes. Mais après tout, c’est bien possible ; je commence à le croire tout à fait.

Émilie


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Jeanne de Fréville.
  3. Alphonse Milne-Edwards.
  4. Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville et mère de Jeanne.
  5. Leçon de dessin avec Gustave Lucien Marquerie.
  6. Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards.
  7. Henri Milne-Edwards.
  8. Jules Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Jeudi 1er juin 1882. Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_1er_juin_1882&oldid=39918 (accédée le 29 mars 2024).

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