Jeudi 18 août 1859

De Une correspondance familiale

Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son père Louis Daniel Constant Duméril (Paris)

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Vieux-Thann

18 Août 1859

La petite Mimi[1] continue à bien aller, mon cher père, et me voilà tout à fait rassurée, mais je suis sûre que la chère enfant fait des dents à cause des cris aigus qu'elle pousse tout à coup puis elle fourre aussitôt ses deux mains à la fois dans sa bouche et les mord, tout ce qu'elle peut saisir elle le porte à la bouche et quand nous lui donnons une racine de guimauve elle a une vraie jouissance à la mâcher. Ce sont les nuits qui sont toujours mauvaises et fatigantes avant-hier elle a eu une colère qui l'a tant fait crier qu'elle a rendu par la bouche et le nez tout ce qu'elle avait dans l'estomac. Mardi, Charles[2] a été bien souffrant de son rhumatisme mais la douleur a très vite cédé il a pris froid, je pense à la montagne Lundi, depuis 2 jours la température a tout à fait changé ici, il faisait presque froid hier ; aujourd'hui le soleil brille et va nous ramener, je pense un bon temps ; il y a toujours beaucoup de cholérines dans le pays, le mal est très violent mais disparaît aussi très vite à ce que nous disait M. Conraux Hier un enfant de trois ans s'est noyé dans le canal ; il est tombé en face du filtre et on l'a retrouvé près de la charmille, ses parents étaient aux champs et l'avaient confié à une voisine, la malheureuse femme n'a pas veillé sur lui et l'a laissé courir ; quelques minutes plus tôt j'aurais été témoin de ce malheur qui m'aurait fait bien mal. Nous sortons la petite dès le matin, M. Conraux dit que c'est l'air le plus sûr moyen de fortifer ses nerfs ou du moins de la rendre moins nerveuse : elle est bien gentille et sera je crois très gaie, il faut bien peu de chose pour la faire rire et l'amuser.

J'attends avec impatience le courrier qui m'apportera je l'espère bien une nouvelle au sujet de Léon[3], je ne puis te dire combien je suis attristée de cet échec, Charles aussi ; il dit que ce pauvre garçon aura ce fâcheux souvenir pendant bien des années ; je ne fermerai ma lettre qu'après le courrier. Je mets sous cette enveloppe un échantillon de soie noire de ma robe que je prierai maman[4] de rassortir car mon corsage ne peut plus aller ; je ne sais combien il en faut au juste mais je prie maman d'en prendre plus qu’il n’est nécessaire car cela est toujours bien utile. Nous te demanderons aussi mon cher père, de nous acheter deux boîtes à jeu, une cave à liqueurs et deux jolies lampes en porcelaine pour le boudoir.

Le courrier est encore en retard aujourd'hui comme hier, à cause de l'encombrement qu'il y a sur la voie ainsi je n'aurai de lettres qu'à 2 h. Je ferme donc ceci mon cher père, en t'embrassant bien tendrement ainsi que maman et Léon.

Ta fille

C M

J'espère bien que ton nouveau petit clou n'aura pas de suite.


Notes

  1. Marie Mertzdorff, âgée de quatre mois.
  2. Charles Mertzdorff, mari de Caroline.
  3. Léon Duméril, frère de Caroline, a échoué au concours de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures.
  4. Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Jeudi 18 août 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son père Louis Daniel Constant Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_18_ao%C3%BBt_1859&oldid=39887 (accédée le 15 novembre 2024).

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