Jeudi 15 décembre 1881 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Nancy) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)
Nancy Jeudi 15 XII 81
Ma chère Marie
Émilie[1] t’aura sans doute communiqué mes lettres de Nancy.
C’est une dépêche d’Edgard[2] qui m’a fait quitter la Maison ; certainement que ma pauvre sœur est très faible, une maladie, je crains, qui ne pardonne pas, mais elle peut encore traîner ainsi une misérable existence de souffrance & de douleurs, pendant quelques jours encore. Les mains étaient enflées hier, le sont moins ce matin, & cependant la nuit n’a pas été bonne, elle souffrait beaucoup de coliques & diarrhées, Edgard a fait demander le docteur pour tâcher de couper cela, car si ce mal devait continuer, le peu de forces qui restent s’en iraient bien vite.
Dans la vie il y a des moments bien cruels, & qu’ils sont longs.
Comme ma sœur, malgré sa faiblesse, a tout sa tête il a bien fallu inventer une fable pour qu’elle ne s’inquiète pas de mon arrivée & de mon séjour, il a bien fallu dire que j’étais occupé à organiser quelque chose à Senones & que je préférais travailler auprès d’elle que sur les livres mêmes. La voici parfaitement tranquille, s’occupant encore un peu de son ménage & ce qui se passe autour d’elle.
Tout naturellement elle sommeille lorsqu’elle ne souffre pas ; mais ce qui la fatigue aussi c’est qu’elle veut que pour chaque petit besoin on la lève & pour cela les forces ne sont plus il faut deux à 3 personnes pour cette opération.
Comme elle parle fort peu & que je crains de la fatiguer je me tiens le plus souvent dans ma chambre où je lis lorsque je m’en sens le courage ce qui n’est pas toujours !! tant de souvenirs cruels qui viennent parfois augmenter la douleur du moment.
J’ai une inquiétude de plus c’est Edgard auquel je trouve une figure tellement décomposée, maigre, tirée ridée, [bistre] à croire que c’est lui le malade qui m’appelle ici.
Il a été excessivement souffrant cet automne à Colmar, les docteurs n’y voyaient que du rhumatisme, pour moi c’est autrement grave, sans cependant qu’il soit pour le moment souffrant, il est vrai qu’il ne mange pas & dort fort peu.
Il est vrai, tu sais que je m’inquiète facilement. Dieu le veuille.
De pensée je suis souvent avec vous, ce qui ne t’étonne pas ma chérie, qui me verrait sourire par moment le devinerait facilement.
Je viens d’écrire à Oncle Georges[3] qui lui aussi était bien impatient d’avoir des nouvelles. Malheureusement elles sont si tristes.
Tu peux croire combien j’ai trouvé ma sœur changée, après sa mauvaise nuit dernière, lorsqu’elle dort, respire avec effort l’on est effrayé.
Pauvre Edgard !
Amitiés à tous tout à toi
Chs Mff
Je resterai à Nancy très probablement jusqu’à fin.
Notes
- ↑ Émilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Edgar Zaepffel, époux d'Émilie Mertzdorff, sœur de Charles.
- ↑ Georges Heuchel.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Jeudi 15 décembre 1881 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Nancy) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_15_d%C3%A9cembre_1881_(A)&oldid=57034 (accédée le 18 décembre 2024).
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