Dimanche 8 décembre 1793, 18 frimaire an II

De Une correspondance familiale

Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)

lettre du 8 décembre 1793, recopiée livre 1 page 126.jpg lettre du 8 décembre 1793, recopiée livre 1 page 127.jpg lettre du 8 décembre 1793, recopiée livre 1 page 128.jpg


N° 58

Rouen du Octodi 18 frimaire, de l'an second de la république[1]

Maman,

Après bien de la peine j'ai obtenu, enfin, le certificat d'exhibition de titres de la municipalité. Je vous en donne copie.

Nous, membres du conseil général de la commune de Rouen, certifions : que le citoyen Duméril (André, Marie, Constant) âgé de 19 ans, demeurant à Rouen, département de la Seine Inférieure, a suivi des cours de chimie, à Amiens, en 1789, 1790, 1791[2] ; qu'il a suivi dans la saison commune des cours de botanique, et qu'il a remporté un prix[3]. Qu'il a suivi à Rouen un cours d'accouchement et maladies en 1793[4] ; les cours de botanique en 1791 et 1792, qu'il a en 1792, remporté le 1er prix de botanique[5], qu'il nous a représenté un certificat d'exercice en qualité d'élève en chirurgie, à l'hospice d'humanité de Rouen ; qu'il y a suivi les cours d'anatomie et de chirurgie depuis un an. Pourquoi et sur le vu des pièces avons accordé au dit Duméril, le présent certificat pour lui valoir, servir de ce que de raison etc. Visé au district et au département.

A présent nanti de cette pièce, je dois la faire passer au ministre de la guerre[6]. J'y joindrai des travaux d'anatomie, qui sont mon ouvrage.

Mais voilà mon embarras ; d'un côté, si je la fais passer je cours le risque, ou d'être placé dans une ambulance fort éloignée, ou de recevoir une commission ce printemps pour aller faire une course en Angleterre. De l'autre s'il prend envie à mon capitaine de s'informer si je suis en règle, qu'il apprenne que je n'ai point satisfait au Décret avec le bataillon, voilà mon cas exposé que ferais-je ? Dictez-moi le parti que j'ai à prendre, d'ici à votre réponse, je ne ferai rien. La nouvelle dont vous me faites part dans votre dernière, m’a considérablement réjoui. S'il a le bonheur de revenir à Amiens, apprenez moi le aussitôt.

On lève ici de nouveaux bataillons pour la Vendée[7]. Ces gens là font remuer bien du monde. Depuis huit jours on n'en sonne mot, on ignore même quel coin ils habitent. Je commence à devenir fort en anatomie, mais dame il faut travailler ! quand je retournerai à Amiens je serais en état de raisonner sciences ; mais aussi quel temps j'y passe ! en vérité j'en suis honteux je ne sors pas du laboratoire, ce qui me fait bien de la peine par rapport à Madame Thillaye. Mais enfin je me suis fait violence il faut que je fasse mon état peut-être n'aurais-je jamais la même facilité de m'instruire. Si j'étais employé, et que la guerre dure 5 ans encore, je serais bien emplâtré ; l'âge d'apprendre aurait fui, et je serais toujours le même. C'est-à-dire bien ignorant.

Je vous embrasse ainsi que Papa[8]

Votre fils Soumis Constant Duméril

P.S. Vous trouverez une lettre pour le petit Dejean[9] faites-la mettre à la poste, je vous prie.


Notes

  1. Par décret de la Convention, le 22 septembre 1793 est le premier jour de la 2e année de la République ; la nouvelle dénomination des mois entre officiellement en usage le 4e jour de frimaire an second (24 novembre 1793).
  2. Voir certificat d’assistance au cours de Dhervillez à Amiens.
  3. Voir le certificat d’assistance au cours de botanique de Descamps.
  4. Le docteur (Etienne ?) Beaumont atteste à Rouen le 12 octobre 1793 qu’André Marie Constant Duméril « a assisté exactement à ses leçons sur les maladies des femmes grosses, en travail, accouchées, pendant l’année 1793 ».
  5. Voir le certificat d’assistance au cours de botanique de Pinard à Rouen.
  6. Jean Baptiste Noël Bouchotte (1754-1840) est ministre de la Guerre depuis le 4 avril 1793, la nomination de Charles Alexis Alexandre (1792-1800) le 21 juin étant rapportée.
  7. La levée de 300 000 hommes décrétées par la Convention provoque en mars 1793 un soulèvement en Vendée, région travaillée de longue date par l’effervescence religieuse. L’insurrection vendéenne se développe tout l’été. L’armée vendéenne est défaite au Mans et à Savenay en décembre.
  8. François Jean Charles Duméril.
  9. Pierre François Marie Auguste Dejean.

Notice bibliographique

D’après le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 1er volume, p. 126-128

Pour citer cette page

« Dimanche 8 décembre 1793, 18 frimaire an II. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Rouen) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_8_d%C3%A9cembre_1793,_18_frimaire_an_II&oldid=59284 (accédée le 23 novembre 2024).

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