Dimanche 30 mai 1880
Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris, rue Cassette) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris 30 Mai 80.
Quel temps délicieux nous avons aujourd’hui, mon cher Papa, c’est bien un vrai Dimanche de Fête-Dieu et s’il y avait eu des processions elles auraient pu se déployer par un bien beau soleil. Comment vas-tu mon petit Père chéri ? Je te vois d’ici jouissant du ciel bleu mais ne quittant pas ton cabinet et rangeant toujours des chiffres ou des livres. Nous aussi nous avons une bien agréable journée, nous avons été ce matin ensemble à la grand-messe dans notre nouvelle paroisse[1] puis avant le déjeuner Marcel[2] a retiré les mauvaises herbes de notre pelouse qui est bien misérable elle s’est ressentie de notre longue absence au moment où elle aurait eu le plus besoin d’être arrosée ; quant aux arbres ils prospèrent pour la plupart. Après le déjeuner nous nous sommes livrés à des travaux d’art dans notre escalier ; Marcel avec du mastic, moi avec mon pinceau nous avons tâché de réparer quelques petits accidents faits à la peinture par l’ascension du coffre fort ; maintenant nous sommes tous les deux installés dans le beau cabinet ; Marcel travaille pour la Cour et moi j’ai descendu de l’ouvrage pour 2 jours, vieilles lettres à revoir pour en brûler beaucoup, lettres à écrire && l’ordre n’est pas encore parfait autour de nous, cependant la belle bibliothèque est arrivée et n’attend plus que les livres qui sont encore boulevard Saint-Germain ; demain on doit venir accrocher nos tableaux ; peu à peu la maison se range et devient de plus en plus gentille ; oh ! que je me réjouis de t’y recevoir mon bon petit Père !
Je viens d’avoir une surprise tout à l’heure ; figure-toi qu’on m’apporte une caisse de Nancy contenant de la porcelaine, port payé, sans la moindre explication ; nous étions fort intrigués ; vite Marcel va chercher son marteau, ouvre la caisse, en tire 2 vases et une carte de… M. Léopold Zurcher !! Tu comprends mon étonnement. C’est vraiment trop aimable de la part de ce pauvre homme qui est si malheureux[3] de penser à faire des cadeaux surtout à moi qui le connais si peu ; je te dirai que j’ai été bien surprise ; je vais lui écrire pour le remercier mais cela ne m’amuse guère, quand tu le verras tu pourras lui en dire un mot aussi. J’ai peur que ce ne soit Mme Henriet[4] qui ne l’ait forcé à me donner quelque chose. Adieu Papa chéri, je t’embrasse de tout mon cœur et à bientôt j’espère.
ta fille qui t’aime énormément,
Marie
J’embrasse bien bon-papa et bon-papa[5] et je remercie mille fois bon-papa de sa lettre reçue ce matin ; je vais lui répondre le plus tôt que je pourrai.
Notes
- ↑ L’église Saint-Sulpice ?
- ↑ Marcel de Fréville, époux de Marie Mertzdorff.
- ↑ Léopold Zurcher vient de perdre son épouse Marie Henriet.
- ↑ Célestine Billig, épouse de Louis Alexandre Henriet et belle-mère de Léopold Zurcher.
- ↑ Marie voulait écrire : bon-papa et bonne-maman (Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril).
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 30 mai 1880. Lettre de Marie Mertzdorff (épouse de Marcel de Fréville) (Paris, rue Cassette) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_30_mai_1880&oldid=39631 (accédée le 21 novembre 2024).
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