Dimanche 24 août 1873 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Portrieux) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller)

original de la lettre 1873-08-24A pages 1-4.jpg original de la lettre 1873-08-24A pages 2-3.jpg


24 Août 73[1]

Chère bonne-maman,

dans bien peu de jours nous aurons le bonheur de vous voir, je vous assure que cette pensée nous réjouit beaucoup ; votre petite Émilie[2] se fait une si grande fête de vous embrasser que depuis qu'il est question de l'emploi des vacances elle dit que ce qui la réjouit le plus est de penser qu’elle reverra cette chère bonne-maman et ce cher bon-papa[3] ; du reste votre petite Marie[4] pense exactement de même ; et je puis vous assurer qu'il me semble qu'il y a bien longtemps aussi que je ne vous ai vus.

Je n'ai rien de bien particulier à vous apprendre car Charles[5] a dû vous parler de notre installation qui est fort agréable et de la vie tranquille que nous menons. Vous connaissez assez nos goûts pour nous suivre de loin et être sûre de ne pas vous tromper lorsque vous nous cherchez sur la plage dans les endroits les plus retirés ; il y a beaucoup de monde mais nous nous en préoccupons peu et nous imaginons presque que nous possédons le privilège de voir sans être vus.

Nous partons généralement avec des quantités de livres et d'ouvrages et passons plusieurs heures hors de la maison, soit sur la plage au milieu des rochers, soit sur les falaises en vue de la mer, ou dans une jolie petite vallée verte ; les promenades sont fort jolies et nous nous accordons à trouver Portrieux[6] avec ses environs un charmant séjour.

La semaine dernière Marie a accompagné ces Messieurs dans une grande promenade, elle a marché de 1h à 5½ dans les falaises sans en éprouver la moindre fatigue car après le dîner elle est repartie sur la plage sans repenser à sa longue course. Je suis sûre que vous vous réjouirez comme nous de savoir que cette bonne chérie peut ainsi faire de longues courses si facilement car c'est un brevet de santé. Le grand plaisir d’Émilie est de jouer dans le sable et d'y faire de beaux jardins avec l'aide de son petit Jean[7]. Marie préfère coudre, elle ne trouve plus grand charme à ces jeux ; aussi fait-elle presque toujours partie du groupe sérieux. Nous sommes je vous assure de bien bonnes amies toutes les trois. Je ne sais pas laquelle est la plus contente lorsque nous partons ensemble.

Nous pensons quitter Portrieux Samedi dans l'après-midi afin d'arriver à Paris Dimanche matin, nous ne passerons que fort peu de temps au jardin afin d'arriver le plus vite possible à ce pauvre Vieux-Thann ; nous tâcherons de partir le Mardi soir.

Maman[8] va bien ; elle est souvent fatiguée mais elle peut se promener plus cette année qu'elle ne pouvait le faire les autres années étés ; aussi devons-nous nous trouver encore bien heureux de la voir comme cela après tous nos malheurs ; son mois de Septembre sera bien long car elle le passera, avec papa il est vrai, à Launay ; mais tous deux ont le cœur si triste qu'ils s'égaieront peu mutuellement.

Alphonse[9] ne partira pas en même temps que nous pour l'Alsace, il viendra nous retrouver après une excursion à Anvers ; on l'appelle <à> une vente d'animaux. Jusqu'à présent nous avons eu un temps superbe ; aujourd'hui il pleut et j'ose à peine avouer que je m'en réjouis. Je suis sûre que vous me comprenez cependant ; quand il fait beau on est toujours dehors et on ne parvient pas à écrire aux personnes auxquelles on pense le plus tandis que par <la pluie> on peut garder un peu la maison et dire à cette chère bonne-maman Duméril qu'on ne l'oublie pas qu'on pense souvent à elle ainsi qu'à bon-papa et qu'on les aime bien tendrement.

Chacun me charge de mille choses pour vous sans oublier oncle Léon[10]. Marie et Émilie vous embrassent tendrement.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Émilie Mertzdorff.
  3. Louis Daniel Constant Duméril, époux de Félicité Duméril.
  4. Marie Mertzdorff.
  5. Charles Mertzdorff.
  6. Saint-Quay-Portrieux.
  7. Jean Dumas.
  8. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  9. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  10. Léon Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 24 août 1873 (A). Lettre d’Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Portrieux) à Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_24_ao%C3%BBt_1873_(A)&oldid=61745 (accédée le 15 novembre 2024).

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