Dimanche 1er mars 1903

De Une correspondance familiale


Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris)



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Douai 1er Mars[1],

Ma chère Marie,

J’ai lu ta bonne lettre avec bien de l’intérêt et je continue à penser énormément à vous. Il me semble que tout ce que vous voyez et apprenez est tellement satisfaisant que, après avoir tant demandé au bon Dieu de le vous indiquer la voie que vous devez suivre, on peut conclure que vous y êtes et j’espère que vous y marchez maintenant avec sérénité. Quand tu pourras me dire des choses nouvelles cela me fera bien plaisir et je compte que tu me tiendras au courant. Tu penses si cela m’intéresse ! Tout me paraît insipide en dehors de cette question et tout ce que je pourrais te conter de nous, de notre petite vie tranquille me paraît absolument dénué d’intérêt. Je viens pourtant d’y amener un épisode assez stupide et qui nous agite depuis un instant : j’ai trouvé moyen de perdre mon porte-monnaie avec 100 F dedans en promenant mes enfants. J’étais enchantée d’avoir trouvé un système de poche sous ma jupe que je croyais des plus sûrs et c’est probablement en relevant ma jupe que j’aurai fait basculer ma poche. Je vais retourner dans les chemins boueux et peu fréquentés où j’ai relevé ma robe le plus fort, mais j’ai encore moins d’espoir dans cette recherche que dans l’honnêteté des passants.

Mon pauvre mari[2] est revenu en effet comme je le craignais assez enrhumé de son expédition à Dunkerque, par la tempête de Vendredi[3]. Il tousse un peu et peut-être ai-je eu tort d’accepter d’aller ce soir avec les Parenty[4] voir Sapho[5].

J’ai reçu ce matin, sous forme de jolies fleurs, un gentil souvenir de notre jeune ménage[6]. Je demande pour lui à tous les échos d’alentour une cuisinière d’âge mûr et parfaite, mais jusqu’à présent cette perle demeure introuvable à Douai, j’espère qu’on aura plus de chance à Valenciennes. Cette semaine je croyais être sur une bonne piste et après maintes démarches, j’ai appris ce matin que cette pierre précieuse était replacée depuis quelques semaines.

Vive l’honnêteté des gens de Douai ! on vient de me rapporter mon porte-monnaie tandis que j’étais allée, par une pluie battante, le chercher dans les chemins boueux et solitaires où j’avais passé. Il a été retrouvé dans le jardin public, début de notre promenade par des petits amis et leur maman vient de me le rapporter ayant trouvé dedans des cartes et une facture qui indiquait le nom de la propriétaire.

Tout cela m’a mise fort en retard et je ne devrais pas m’accorder le temps de bavarder ainsi. Je t’embrasse donc bien vite petite sœur aimée, mais combien tendrement ! Amitiés à tous.

Émilie


Notes

  1. Lettre non datée, écrite possiblement en 1903, avant le mariage de Jeanne de Fréville avec René du Cauzé de Nazelle, le 16 mai 1903.
  2. Damas Froissart.
  3. Une violente tempête est signalée en Manche le 27 février 1903.
  4. Probablement Henri Parenty et son épouse Madeleine Decoster.
  5. Sapho est un opéra en trois actes de Charles Gounod, livret d’Émile Augier, créé à Paris 1851.
  6. Jeune ménage non identifié.

Notice bibliographique

D’après l’original.


Pour citer cette page

« Dimanche 1er mars 1903. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Douai), à sa sœur Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_1er_mars_1903&oldid=55314 (accédée le 15 novembre 2024).

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