Dimanche 11 mars 1877 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1877-03-11A pages 1-4.jpg original de la lettre 1877-03-11A pages 2-3.jpg


Paris le 11 Mars 77.

Mon Père chéri,

N’es-tu pas tout à fait gelé ? Si tu savais combien nous avons avons pensé à toi en ayant la nuit si froide pourvu que tu ne te sois pas enrhumé mon pauvre petit père ; j’espère que non et j’espère aussi demain matin recevoir un petit mot de toi nous confirmant dans nos espérances. As-tu trouvé tout le monde en bonne santé ? Bon-papa et bonne-maman[1] ont dû être bien contents de te revoir ainsi qu’oncle Léon[2] et Mlle Stackler.

Me voilà encore au dernier moment pour t’écrire, je ne sais pas en vérité comment cela s’est fait ni comment la journée a pu passer si rapidement.
D’abord elle n’a commencé pour moi que fort tard c’est honteux à dire mais je ne me suis levée que juste pour le déjeuner. Tu connais le motif de cette [ ] paresse car tu sais que c’est hier soir qu’avait lieu la fameuse soirée chez M. Wurtz[3] ; je me suis énormément amusée ; il n’y avait que de la jeunesse ces demoiselles W.[4] ont été charmantes avec moi, j’ai retrouvé toujours les mêmes personnes de connaissance et j’ai dansé toute la soirée sans manquer même le plus petit bout d’une danse tu comprends qu’il était impossible de s’ennuyer comme cela je t’assure que cela valait mieux qu’une soirée Ravaisson[5] ; nous sommes partis à 1h1/2 au moment où le cotillon commençait et il paraissait devoir être bien amusant mais il était l’heure raisonnable de s’en aller et nous n’avons pas attendu la fin je pense que cela aura fini vers 3h. Enfin voilà tous mes excès finis et vraiment je me suis amusée beaucoup mieux que je ne l’aurais cru.

Jeanne Brongniart est ici en ce moment nous avons joué en bas avec oncle pendant longtemps à écrire en fermant les yeux & maintenant E.[6] et J.[7] déchiffrent et [moi] après avoir jeté un coup d’œil plein d’effroi sur la pendule qui marquait 4h1/2 j’ai saisi mon papier et me voilà t’écrivant au grandissime galop comme au dernier tour de la boulangère[8] la plus folle aussi pardonne-moi l’écriture et le style qui laissent autant l’une que l’autre à désirer.

Depuis ton départ il n’y a pas eu d’événements bien importants à te signaler ; il n’y a que ma soirée mais tu sais cela c’est toujours la même chose ; beaucoup de jolies toilettes tout le monde décolleté pas d’ennuis savants et de gens à politesse qui remplissent les salons et gênent la circulation rien que les mamans et les papas, et même après minuit plus beaucoup de papas. C’était un bal de fiançailles l’aînée des demoiselles Wurtz[9] est fiancée depuis 15 jours à un jeune homme travaillant dans le laboratoire de son père ; ils paraissaient tous enchantés.

Mais adieu et pardon mon Père chéri le temps me presse et j’ai bien peur d’être forcée d’envoyer à la grand’ poste.
Je t’embrasse de tout mon cœur comme je t’aime,
Marie


Notes

  1. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  2. Léon Duméril, fiancé à Marie Stackler.
  3. Charles Adolphe Wurtz.
  4. Marie et Lucie Wurtz.
  5. Félix Ravaisson et son épouse Marie Françoise Aglaé Louyer de Villermay.
  6. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  7. Jeanne Brongniart.
  8. Boulangère : danse en forme de ronde.
  9. Marie Wurtz épouse en août 1877 William Oeschner de Coninck.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 11 mars 1877 (A). Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_11_mars_1877_(A)&oldid=42424 (accédée le 25 avril 2024).

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