Samedi 2 décembre 1882

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris), jointe à une lettre disparue de Félicité Duméril


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2 Xbre 82.

Ayant écrit avant-hier à Émilie[1] je ne pensais pas, ma chère & bonne Marie t’écrire ce soir samedi. bonne-maman[2] m’apporte sa lettre & je ne veux pas la mettre sous enveloppe sans y ajouter un petit mot.

Que je te parle tout d’abord de ma santé. Pour dire vrai je ne fais pas grand progrès ni en bien ni en mal, ce que je puis manger semble cependant suffisant pour me soutenir, hier & aujourd’hui je n’ai pas eu de vomissements, sans doute parce que je mange un peu moins & que je prends  un peu plus de précautions. Le docteur[3] trouve que la grosseur de l’estomac ne progresse pas, mais il me semble qu’il ne diminue pas non plus. J’ai peut-être un peu moins bonne mine qu’il y a 15 jours, mais sans être plus mal, au contraire, depuis 2 jours vais un peu mieux.

Aujourd’hui nous avions à peu près toute la journée de la neige, il gèle & fait assez froid, mais cela vaut mieux que toutes ces journées de pluie par lesquelles nous venons de passer. J’ai volontiers froid & suis plus frileux que d’habitude, aussi je ne sors pas assez & me fais quelque reproche, mais c’est plus fort que moi.

Mes nuits sont bonnes & fais volontiers grasse matinée jusqu’à 8 h car je prends mon lait dans mon lit de sorte que rien ne me presse de me lever, surtout lorsqu’il fait froid & que l’on a si bien chaud dans son lit.

Le docteur vient assez souvent me voir, le bienheureux est fiancé & il vient m’entretenir de sa belle[4] qui dit-on est une beauté qui a eu beaucoup de succès dans le monde allemand de Strasbourg. C’est un bon garçon auquel je m’intéresse & que je voudrais voir bien tomber.

Ce soir visite de Bonaventure[5] qui me raconte combien l’on prie pour moi & mon estomac non seulement au Kattenbach mais encore à Niederbronn. Enfin à ce que j’apprends, pour moi l’on prie beaucoup & je vois avec plaisir que je ne suis pas le seul à demander ma guérison. La bonne sœur a été très souffrante mais ne va pas mal en ce moment.

Comme je suis heureux de vous savoir tous aussi bien portants j’ai entière confiance que tout se passera bien pour toi[6], aussi ai-je moins de regrets de ne pas me trouver auprès de toi pour ce grand moment.

Je t’assure que je me réjouis bien de revoir ta petite sœur qui me fait bien plaisir de venir passer quelques semaines avec moi, qui sait ce sera peut-être encore elle mon meilleur médecin. seulement la chère enfant n’aura pas beaucoup de plaisir auprès du papa malade & ce qui pour elle sera encore le plus triste c’est de partager ses repas avec moi, car quoique je ne me voie pas manger ma petite [   ] je puis me figurer que cela n’est pas réjouissant. Enfin tout peut se changer & il est bien possible que je revienne au beefsteak. Depuis un mois je n’ai malheureusement pas fait grand progrès vers cet objet tant désiré.

Veux-tu dire à Émilie que le Docteur n’a pas encore trouvé un essence de pétrole convenable pour son thermocautère[7]. Si elle pouvait nous apporter un ½ litre en venant cela rendrait un vrai service, je tâcherai de le lui rappeler.

Je ne pensais t’écrire que quelques mots & me voici encore à bavarder. Il ne me reste de place que pour vous embrasser tous

ton père

Chs Mff      


Notes

  1. Émilie Mertzdorff, la « petite sœur » de Marie.
  2. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  3. Le docteur Louis Disqué.
  4. Probablement Marie Helmholz qu'il épouse en 1885.
  5. Sœur Bonaventure, qui s'occupe de l'orphelinat.
  6. Marie Mertzdorff-de Fréville accouche en décembre.
  7. Thermocautère : fil de platine qui, rendu incandescent, sert à cautériser.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Samedi 2 décembre 1882. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_2_d%C3%A9cembre_1882&oldid=35439 (accédée le 27 avril 2024).

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