Mercredi 21 décembre 1796, 1er nivôse an V

De Une correspondance familiale


Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)


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n°99

Paris le 1er Nivôse an 5

et moi aussi, Maman, je suis bien fâché que ma lettre à Désarbret[1] vous soit tombée sous la main. Le ton amical avec lequel vous me reprenez était bien fait pour me faire revenir sur ce que vous avez lu. Si ç’eût été à vous ou à papa[2] que je l’eus adressée ; mais je connais le respect filial et je ne me serais jamais permis ces aigreurs. Cependant mettez-vous à ma place (et je suis sûr par votre lettre que vous vous y êtes mis) : Eh bien ai-je un si grand tort ? ce n’est pas comme cela qu’en juge Désarbret. Voyez par la semonce ci-jointe avec quelle autorité il me traite. Je ne crois pas commettre ici une aussi grande indiscrétion que celle qu’il a faite avec la mienne.

Maman, je suis fâché de la peine que cela a pu vous faire mais soyez assurée que je n’en avais pas l’intention. Je crois même l’avoir dit dans ma lettre. J’ai touché le montant de la lettre de change et depuis j’ai reçu mon traitement de manière que maintenant je puis au moins entrer pour quelque chose dans les dépenses domestiques. Vous ne sauriez croire combien il était pénible pour moi d’être là avec Auguste[3] près de quatre mois sans rien mettre du tout à la caisse car pendant le cours des assignats il m’avait nourri pendant un an, espace dans lequel il ne recevait pas lui-même de quoi suffire à ses besoins.

Nous < >, maman, il n’y a que moi qui le plaigne, et à qui et quand le faisais-je encore ? A mon départ d’Amiens, vous en savez l’époque, papa me remit 30 ou 48 livres. je ne me rappelle pas bien la somme, mais elle se trouva presque dépensée pendant la route. Et j’ai été trois mois sans recevoir, voilà quelle était ma position, je vous l’avais dépeinte, vous ne me répondiez pas. je présumais que vous ne pouviez rien faire pour moi, est-il défendu de se plaindre dans une pareille circonstance, surtout quand on ne s’adresse pas aux personnes que ces plaintes pourraient regarder.

Auguste ne savait rien de ce que je mandais à Désarbret. il ne me l’aurait pas laissé écrire. Mais il a vu sa réponse et la vôtre. il se propose de vous écrire. Il n’est point indifférent pour vous. il ne boude point. rien ne l’a mécontenté. Son péché est celui d’un peu de paresse. il s’en relèvera un de ces jours, il travaille depuis une dizaine de jours chez André Dumont où il mange et couche de sorte que je suis seul à la maison et il m’ennuie un peu de cette absence.

Ne chargez pas monsieur Sourdiaux de paquets pour nous. cela donne de l’embarras s’ils ont quelque volume et cela est aussi dispendieux. Adressez-nous les directement par la diligence. Ils arriveront sans aucun frais que le port à la maison, cela est beaucoup plus commode.

L’indisposition d’Auguste est tout à fait guérie ; ce dont je suis fort aise. Je me porte très bien. j’espère qu’il  en est de même à la maison. J’embrasse papa et j’espère que vous ne m’en voulez pas. Je suis fâché de n’avoir pris qu’une demie feuille. J’avais calculé le temps et ce que j’avais à vous dire, mais l’esprit n’est jamais las d’écrire, lorsque le cœur est de moitié.

Je vous embrasse, sur ce adieu.

Votre fils C.D.


Notes

  1. Joseph Marie Fidèle dit Désarbret, frère d’André Marie Constant Duméril.
  2. François Jean Charles Duméril.
  3. Auguste Duméril l’aîné, frère d’André Marie Constant.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 36-39)

Pour citer cette page

« Mercredi 21 décembre 1796, 1er nivôse an V. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_21_d%C3%A9cembre_1796,_1er_niv%C3%B4se_an_V&oldid=43082 (accédée le 18 avril 2024).

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