Mardi 7 août 1917

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré) à son fils Louis Froissart (Paris)

original de la lettre 1917-08-07 pages 1-4.jpg original de la lettre 1917-08-07 pages 2-3.jpg


7 Août 17

Mon cher Louis,

Voilà déjà plusieurs jours que je ne t’ai écrit. Je ne fais que cela pourtant d’écrire mais c’est dur d’avoir un mari[1] et 4 enfants à alimenter de nouvelles sans compter tout le reste qui continue à courir du même train que d’ordinaire ! Lucie[2] se plaignait peut-être aussi de moi, mais les nouvelles que je lui ai envoyées Dimanche ne sont pas de nature à la réjouir. La femme et la fille d’Alexandre[3] nous sont arrivées Vendredi soir fuyant devant le 380 incendiaire qui avait fait de gros, très gros dégâts dans une usine en face de chez elles et voisine immédiate de la brasserie d’Henri ! Mais aucun accident de personne. La presse n’en parle pas et nous ne savons si ces événements se sont renouvelés. Hippolyte et Bertha[4] ne tarderont sans doute pas à apporter des nouvelles. Que ne peuvent-ils aussi apporter des meubles ! C’est dommage de ne pas soustraire tant de belles et bonnes choses à la destruction, mais la question de transport rend la chose difficile.

J’ai reçu Vendredi une longue lettre de Pierre[5] auquel ton papa[6] recommande un supplément de connaissance et d’impressions personnelles de visu avant de faire aucune démarche qui puisse l’engager. Ton papa a le sentiment qu’il vit sur un souvenir lointain et s’en rapporte trop à ce qu’on lui dit. Mais Pierre s’estime suffisamment fixé et ne voit pas très bien d’ailleurs comment il ferait pour avoir une entrevue sans avoir fait au préalable la moindre démarche, il dit en outre qu’une conversation banale n’ajoutera rien à sa documentation. Le plus clair c’est qu’il devra attendre une nouvelle permission pour faire avancer ses affaires. Je crois d’ailleurs, comme le dit M. l’Abbé[7], qu’il importe d’habituer doucement le père[8] à l’idée de devoir se séparer de sa fille avant qu’elle ait accompli toute sa tâche auprès de sa sœur[9]. Enfin je ne sais ce qui va se faire. Pour ma part, je pense que, au point où en sont les choses, c’est Pierre seul qui peut organiser son plan de campagne et lui seul qui doit prendre maintenant la responsabilité de la décision. J’espère bien que nous pourrons le voir ce bon Pierre. Il paraît compter sur une permission vers le 15. Il serait heureux de te voir aussi ainsi que Michel[10].

La pluie a cessé mais ce n’est pas encore la sécurité dans le beau temps. Pendant 8 jours il n’a pas arrêté de pleuvoir jour et nuit. On commence à couper le blé.

Je t’embrasse tendrement mon cher enfant. J’espère avoir de tes nouvelles par Lucie.

Emy


Notes

  1. Damas Froissart.
  2. Lucie Froissart, épouse de Henri Degroote (propriétaire à Hazebrouck).
  3. Alexandre Baudens, chauffeur de Damas Froissart, marié à Marie Wicart.
  4. Bertha et Hippolyte, employés par les Degroote.
  5. Pierre Froissart, frère de Louis ; il est question de ses projets d’union avec Antoinette Daum.
  6. Damas Froissart.
  7. L’abbé Marcel Pératé.
  8. Antonin Daum, veuf.
  9. Françoise Anne Marie Paule Daum, 15 ans.
  10. Michel Froissart, frère de Louis.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 7 août 1917. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Brunehautpré) à son fils Louis Froissart (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_7_ao%C3%BBt_1917&oldid=59406 (accédée le 21 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.