Mardi 17 octobre 1882

De Une correspondance familiale

Lettre d'Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Vieux-Thann) avec un mot pour Émilie Mertzdorff


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Mardi[1]

Ma bonne petite fille chérie, comme je suis triste d’apprendre que ton bon père[2] se trouve moins bien ces jours-ci, et combien je partage vos préoccupations ; peut-être ce petit malaise est-il tout à fait momentané, et allez-vous pouvoir avant de le quitter trouver un changement en mieux. Mais je comprends tout ce que tu dois souffrir quand tu lui entends dire des choses si tristes ; on ne sait alors que répondre et on ne sait comment retenir ses larmes. J’ai l’intention d’aller demain à Notre Dame des Victoires ; je voudrais demander des messes, pour cette santé qui nous est si précieuse et pour que le bon Dieu nous guide complètement, car tout en n’ayant que le désir de faire pour le mieux on est souvent bien embarrassé[3]. Si ton bon père semble éprouver une trop grande répugnance à venir à Paris tant qu’il suit son traitement il ne faudrait pas alors y mettre trop d’insistance ; mais sois tranquille, nous ferons tout pour qu’il ne reste jamais longtemps seul. Je lui conduirai Émilie de manière à remplacer ses visites qu’il venait lui faire ; l’idée n’est pas de moi seule, elle est aussi de ton oncle[4] qui me facilitera toujours les moyens de vous montrer notre tendre amitié, mes enfants chéris. Nous allons, tant que ton bon père sera souffrant, vivre un peu au jour le jour ; agissant selon les circonstances. Je pourrai, pour qu’Émilie reste un peu plus longtemps près de son papa, l’amener puis venir la rechercher ; enfin on fera pour le mieux, et nous parlerons de tout cela dans quelques jours, puisque le 26 nous devons être près de vous.

Je suis allée ce matin à Grenelle pour demander à M. Rataud[5] le moyen que Jean[6] s’adresse à lui sans aller aussi loin. Je suis bien heureuse qu’il puisse rentrer sous sa direction si parfaite ; car on ne se doute pas de l’importance qu’il y a pour un jeune homme, à trouver un prêtre éclairé auquel il ouvre volontiers son cœur (Tu verras comme cette grave question te préoccupera pour ton petit Robert[7]). M. R. vient souvent à Paris chez son frère[8] à l’École de droit, et Jean ira l’y trouver. Tu ne saurais croire combien cette décision me fait plaisir. Mme Dumas[9] le désirait comme moi. M. R. m’a bien parlé de vous et m’a chargée de vous dire qu’il prenait bien part à tous vos tourments.

Adieu ma petite fille je t’embrasse de tout mon cœur. dis mille choses affectueuses de ma part à ton cher mari[10], ma commission est en bonnes mains. Dis à ton papa combien nous sommes contents de pouvoir enfin arriver à Vieux-Thann et fais-lui toutes nos amitiés.

Une bonne caresse à Jeannot[11].   AME

Ne m’oubliez pas auprès de votre bonne-maman[12] que je suis si contente de revoir.

Ma chère petite Émilie tu as parfaitement raison de mettre ton corsage de drap ; j’approuve complètement que la vieille robe grise ne paraisse plus. Je penserai à tes idées de pauvres qui sont très bonnes. Je t’embrasse et t’aime tendrement.

AME

J’enverrai demain la chenille[13].  


Notes

  1. Lettre sur papier deuil, non datée, à situer possiblement le 17 octobre (un mardi, avant le 26 octobre).
  2. Charles Mertzdorff.
  3. Allusion aux projets de mariage pour Émilie Mertzdorff, sœur de Marie ?
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Joseph Bernard Gabriel Rataud, prêtre.
  6. Jean Dumas, 17 ans.
  7. Robert de Fréville, à naître au mois de décembre.
  8. François Jean Rataud.
  9. Cécile Milne-Edwards, épouse de Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et mère de Jean.
  10. Marcel de Fréville.
  11. Jeanne de Fréville.
  12. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  13. La chenille : tissu ou fil.

Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Mardi 17 octobre 1882. Lettre d'Aglaé Desnoyers, épouse d'Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Marie Mertzdorff, épouse de Marcel de Fréville (Vieux-Thann) avec un mot pour Émilie Mertzdorff », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_17_octobre_1882&oldid=40751 (accédée le 15 novembre 2024).

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