Lundi 13 mars 1916
Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne)
13 Mars 16
Mon pauvre garçon,
Je suis bien ennuyée de te savoir pris de la gorge et je voudrais apprendre très prochainement que tu es débarrassé de cette indisposition très malencontreuse. Toutes mes félicitations pour la bonne qualité et le bon entretien de ta peau. Je sortirai demain et t'enverrai la pommade indiquée et la teinture d'iode. Aujourd'hui je t'ai envoyé du lait et tes chaussettes en 2 paquets.
Ne retourne pas trop vite au froid, je t'en prie ; exagère plutôt un peu ton mal, car il ne faut à aucun prix te mettre à traîner. Tiens-nous au courant de ton état par des petits mots aussi laconiques que tu voudras, mais fréquents.
J'ai reçu hier une lettre de Pierre[1] (datée de Samedi) qui devait être envoyé à son groupe, près de Verdun, 4 jours après ; ce sera donc demain ou après-demain, je pense, et la douce quiétude dans laquelle nous vivions va être bien finie. On dit que l'artillerie a beaucoup souffert là-bas aussi n'est-il pas étonnant qu'il y ait beaucoup d'officiers à remplacer. Mme de Compiègne[2] que Made[3] a rencontrée il y a quelques jours paraissait très inquiète d'Hubert qui était par là et dont elle n'avait pas de nouvelles depuis 3 semaines. Lui aussi est dans l'artillerie.
J'ai reçu ce matin un mot de Laure[4] qui avait enfin des nouvelles de Jules datées du 1 : son régiment n'avait pas encore marché. Mais depuis lors ?... Que d'angoisses ! Heureusement que Jean[5] est à l'abri encore, il paraît que son régiment a été très éprouvé. Ton pauvre oncle Paul[6] a eu sa part ! Que Dieu l'épargne !
Nous avons eu hier la visite de noce du jeune ménage Pierre Hamy[7], (le petit roux) ingénieur des constructions navales par sa profession, mais qui a commencé par 4 mois de campagne comme artilleur, suivis de 10 mois dans l'aviation et maintenant il est à Paris dans l'armement des avions. Il pouvait donc se marier en toute sécurité.
Je t'embrasse tendrement, cher enfant.
Emy
Tu remarqueras que les chaussettes grises ne sont pas d'égale longueur, tu as dû les dépareiller en partant et tu retrouveras l'alter ego de chacune. Au reste c'est peu important
Emy
Notes
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis.
- ↑ Berthe Angélique Louise Dumont, veuve de Bertrand Du Pont de Compiègne et mère de Hubert Du Pont de Compiègne.
- ↑ Madeleine Froissart, épouse de Guy Colmet Daâge.
- ↑ Laure Froissart, épouse de Jules Legentil.
- ↑ Jean Froissart.
- ↑ Paul Froissart, père de Jean et de Laure ; son fils Jules a été tué au début de la guerre.
- ↑ Pierre Hamy et son épouse Marguerite Blanche.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 13 mars 1916. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (Camp de La Braconne) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_13_mars_1916&oldid=52665 (accédée le 14 octobre 2024).
D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.