Jeudi 4 février 1796 (A), 15 pluviôse an IV
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens)
n° 94
Paris le 15 Pluviôse an IV de la République
Maman,
Je commence au haut du papier pour avoir un plaisir plus long à converser avec vous. il est malheureusement bien rare ce plaisir-là. Nous avons reçu toutes vos dernières ; nous vous remercions de la bonne amitié que vous ne cessez de nous y peindre, elle est bien réciproque.
Vous trouverez y incluse une lettre d’Auguste[1] et de moi, pour mon oncle[2]. Nous ignorons si Duméril lui a écrit, ou lui écrira, il a tort de se plaindre dans cette circonstance, s’il l’a fait ; car c’est moi qui ai reçu la lettre de Désarbret. je l’ai communiquée à Auguste, et le soir, Duméril l’avait, je crois même qu’il l’a encore, et la lettre nous était commune, ce qu’il a dû voir.
Vous êtes la première qui nous eussiez parlé des mariages dont vous nous entretenez. vous ne nous dites qu’un mot de la noce de notre cousine Adélaïde[3]. nous l’ignorions et même nous ne savons pas encore le nom de son mari. Quant à celui de notre cousine Pélagie[4] vous devez savoir qu’il a dû nous étonner. Ce que vous nous mandez du ménage de ma sœur[5] nous fait beaucoup de peine pour elle.
Le cousin Dumont[6], en me faisant passer votre lettre, m’écrit un petit mot ; il m’invite à l’aller voir et me mande qu’une indisposition légère le retient à la chambre depuis le 6. Je devais y aller aujourd’hui, mais il fait une tempête affreuse. Je remets la visite à un autre jour. depuis le 26 frimaire j’ai été beaucoup occupé. Le cours dont j’étais chargé sera fini cette décade, ce qui me donnera plus de loisir. Je continue de jouir de l’étape[7] et je touche mes anciens appointements qui à raison des circonstances, se trouvent être bien peu de chose. Nous faisons la soupe tous les quatre jours. Ce qui ne laisse pas que de nous donner le petit embarras du tripotage du ménage. Mais cela va et nous vivotons un peu mieux depuis ce temps-là.
J’ai promis d’écrire à Désarbret, je le ferai aussi. Jusqu’ici je n’avais pas beaucoup le temps d’aller chez Dumont l’aîné[8], mais plus libre dans peu, la première fois que j’irai je lui donnerai une lettre pour lui faire passer dans laquelle je lui donnerai tous les détails que l’intérêt qu’il prend à moi lui a fait me demander.
Les denrées qui avaient diminué sensiblement vers la fin du mois dernier, renchérissent d’une manière étonnante : la viande vaut 80ll la livre, le pain 40ll, l’on fait ouvertement deux prix, celui de l’assignat, et du numéraire, il est un pour <100>. les lentilles valent, le boisseau, 4ll 10s ou 900ll et le tout sur le même compte.
Auguste désire avoir l’avantage de vous écrire, aussi je lui cède l’autre moitié du papier. Quand ne serais-je plus borné ainsi et pourrais-je jaser avec vous tout à mon aise !
En attendant ce plaisir-là je vous embrasse.
C. Duméril.
Notes
- ↑ Auguste, Jean Charles Antoine dit Duméril, Joseph Marie Fidèle dit Désarbret, frères d’André Marie Constant Duméril.
- ↑ Jean Baptiste Duval, frère aîné de Rosalie.
- ↑ Adélaïde Duval épouse Frédéric Magnier.
- ↑ Pélagie Leguay a épousé Charles Vuatiné.
- ↑ Rosalie Duméril a épousé Augustin Testu en 1795.
- ↑ Possiblement André Dumont.
- ↑ D’après Littré « étape » désigne notamment les « fournitures de vivres, de fourrages qu’on fait aux troupes qui sont en route ». On peut recevoir son étape en argent.
- ↑ Charles Dumont de Sainte-Croix.
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril, 2ème volume, p. 25-27). Cette lettre est jointe à celle d’Auguste Duméril (document 1796-2). Elles ont été envoyées avec deux autres lettres (disparues).
Pour citer cette page
« Jeudi 4 février 1796 (A), 15 pluviôse an IV. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Paris) à sa mère Rosalie Duval (Amiens) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_4_f%C3%A9vrier_1796_(A),_15_pluvi%C3%B4se_an_IV&oldid=58935 (accédée le 22 décembre 2024).
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