Jeudi 11 août 1859
Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris)
11 Août 1859
Ma chère Maman
Je viens te raconter que nous avons eu hier bien de l'inquiétude pour notre pauvre chère petite[1] qui heureusement est mieux depuis ce matin mais nous avons eu des moments bien pénibles. Avant-hier dans l'après-midi j'avais déjà remarqué que tout son corps et surtout sa tête étaient très chauds mais pourtant elle était bien gaie, la nuit a été agitée, elle se retournait constamment et poussait de gros soupirs ; à 10 h. Charles[2] est parti pour Mulhouse n'étant pas inquiet mais peu après son départ l'agitation a augmenté, les soupirs étaient devenus des plaintes qui ne cessaient pas son corps était comme du feu, ses yeux très brillants et dans un mouvement continuel, ses joues très colorées, puis dès qu'on la remuait elle pleurait et criait. Tu comprends, comme j'étais angoissée en voyant mon pauvre enfant dans cet état, et Charles qui était absent, maman[3] me rassurait bien et prétendait que la petite n'était pas fort souffrante mais malgré cela, j'ai fait chercher M. Conraux qui est arrivé à 4 h. il a trouvé beaucoup de fièvre à la petite et comme il me l'a dit ce matin elle frisait de bien près les convulsions mais c'était la rougeole qu'il prévoyait.
Le matin nous lui avions déjà donné un lavement et un peu de sirop de rhubarbe trouvant que son corps n'était pas assez libre, M. Conraux nous a recommandé de lui tenir constamment sur le ventre un bon cataplasme et de lui faire prendre d'heure en heure une cuillerée de lait de magnésie pour la purger. Un peu plus tard elle a eu une forte transpiration qui a mouillé tout son linge, vers le soir elle s'est un peu calmée et m'a ri, mais la nuit tout en étant tranquille elle nous a inquiétés, justement par son grand calme puis par ses yeux qu'elle ouvrait si grands sans voir quand nous étions près d'elle. Nous avons passé une triste nuit et j'ai bien pleuré. Ce matin vers 5 h. elle s'est réveillée beaucoup mieux ses yeux étaient bien cernés mais tranquilles et ses joues bien pâles, elle a fait une très copieuse selle ; M. Conraux est venu à 9 h. et l'a trouvée hors d'affaire, la fièvre est tombée et les mouvements nerveux ont presque entièrement cessé ; ses mains et sa tête sont encore chaudes mais non plus brûlantes et elle a repris un peu de gaieté voilà 2 heures qu'elle dort, elle vient de se réveiller pour téter et se rendort ; j'espère bien que le mieux va continuer mais nous sommes tout ébranlés. Il nous est impossible d'attribuer une cause à ce mal. Demain je vous écrirai. Je viens de recevoir la bonne lettre de papa[4] dont je le remercie beaucoup ; nous pensons bien à Léon[5] qu'il me tarde de voir arriver, bon courage jusque là ! Adieu ma chère maman tu t'uniras à moi n'est-ce pas pour remercier Dieu qui rendra la santé à mon enfant. Je vous embrasse du fond du cœur
Votre fille Caroline
Il y a une grande mortalité parmi les enfants en ce moment surtout beaucoup de cholérines.
Le papier du billard est arrivé nous le trouvons fort bien.
L'affaire dorure marche[6].
Notes
- ↑ Marie Mertzdorff, âgée de quatre mois.
- ↑ Charles Mertzdorff.
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff, belle-mère de Caroline.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Léon Duméril, frère de Caroline.
- ↑ Allusion aux travaux de décoration effectués dans la maison par un doreur venu de Paris, M. Santesson.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Jeudi 11 août 1859. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa mère Félicité Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_11_ao%C3%BBt_1859&oldid=39776 (accédée le 15 novembre 2024).
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