Voir la source de Vendredi 22 et samedi 23 juillet 1870 (C)


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__NOTOC__

<span class="letter-subtitle">Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paramé)</span>



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Vendredi Soir 22

Chère petite amie aimée.

Si je n'avais pas à te dire que je pense <u>trop</u> souvent à toi &amp; plus qu'à la guerre, je crois que pour Aujourd'hui je n'aurais pas de quoi remplir 1 page.

Mais ce chapitre qui ne se lit pas au bon public qui t'entoure, permettrait de toujours dire &amp; redire &amp; ne jamais avoir tout dit.

Je viens de recevoir une si charmante lettre d'une demoiselle qu'il me semble que je suis loin de mes 52 ans. Ce qui l'a provoquée, la lettre, ce sont 2 pièces de cretonnes que j'ai envoyées à ces demoiselles Sick &amp; [[Kohl, Léon (1843-1890) et ses proches|Kohl]]<ref>Marie Louise [[Kohl, Léon (1843-1890) et ses proches|Kohl]] ?</ref>. &amp; je crois que ces douces câlineries s'adressent plutôt à mon calicot qu'à ma personne. Tu en es seule juge, ta quiétude me donnera la mesure de mon bon jugement.

Ce matin, je t'ai encore un peu tenu au cour<sup>ant</sup> de ce qui s'est passé. Ce soir je n'ai pas fait grand-chose qu'un grand tour à la [[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|fabrique]], aux vignes &amp; jardins. J'ai été plusieurs fois recherché pour des signatures de mairie.

Pour cette dernière, j'ai entre autre <u>S</u><u>igné</u> un certificat de <u>conduite exemplaire</u> à une belle jeunesse de la [[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|fabrique]] que l'on a trouvée dans un lieu que l'on ne dit pas, avec un jeune homme faisant ce qu'on ne dit jamais. Pour cela renvoyée ! à mon avis injustement car le quidam rejoignait son régiment le lendemain. Voilà pour les faits Divers. Chaleurs excessives à tout rôtir, vent N<sup>ord</sup>- N<sup>ord</sup>-E<sup>st</sup>. J'attends encore une lettre de Bâle &amp; une de [[Dugué, Charles (1822-1877)|Dugué]] &amp; je crois que je me mettrai en route pour aller vous rejoindre ;

Cela peut donc être pour le milieu de la semaine proch<sup>aine</sup>. Je compte rester 8 jours absent &amp; être de retour ici avant le 1<sup>er</sup> choc des deux colosses<sup><ref>Les armées française et allemande.</ref></sup>.

L'on dit que nous allons avoir un corps d'armée par ici ; c'est possible, probable même mais nous ne voyons que des soldats qui passent. Le soldat franç<sup>ais</sup> compte beaucoup sur ses mitrailleuses<sup><ref>La mitrailleuse ou canon à balles est une arme nouvelle, préparée en secret.</ref></sup> dont on a fait tant de bruit. Il est fort à craindre que l'Allemand n'ait aussi la sienne, dont on n'a jamais parlé. Ce qui me le fait croire c'est que l'industrie allemande a fait des progrès qui n'ont été égalés &amp; surpassés que par les Américains. Je voudrais avoir la quiétude de tout ce monde que je vois ; mais ne le puis.

Tout naturellement il n'est question ici que de la guerre &amp; parfois de la famine deux donzelles qui se touchent.

Des affaires pas un mot &amp; cependant nous avons toujours de quoi nous occuper. Les chem<sup>ins</sup> de fer vont reprendre un peu leur service, l'on espère pouvoir expédier de la houille aux plus nécessiteux, je me suis fait inscrire.

Le manque de Sarrebruck<sup><ref>Sarrebruck (Saarbrücken en allemand), située au centre d'un important bassin charbonnier, est tournée vers les industries lourdes.</ref></sup> va arrêter plus d'une usine ; d'autant plus qu'il n'y a pas d'Eau, même pour laver nos pièces. A [[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|Morschw]][[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|iller]] ils sont encore plus pauvres d'Eau. Les paysans irriguent, personne ne peut leur en vouloir, il n'y a pas de fourrage, la police des Eaux ne peut que fermer les yeux &amp; se taire ; aussi plusieurs impressions sur étoffes lavent au-dessus de nous à Reiningue, [[Vieux-Thann et Thann (Haut-Rhin)|Thann]], Cernay etc. Du reste ces usines travaillent aussi peu que possible.

Depuis quelques jours nous voyons beaucoup d'ouvriers qui demandent du travail, d<sup>ans</sup> le nombre il doit y avoir beaucoup de grévistes.

Georges &amp; sa femme<sup><ref>Georges [[Heuchel, Georges (1804-1890) et sa famille|Heuchel]] et son épouse Elisabeth [[Schirmer, Elisabeth (1806-1884), épouse de Georges Heuchel, et sa famille|Schirmer]].</ref></sup> continuent à aller tous les matins à [[Wattwiller (les bains)|Wattw]][[Wattwiller (les bains)|iller]], il paraît qu'il n'y a personne mais personne ? L'hôtelier voulait s'en aller. M. [[Risler (famille)|Risler]] ne le lui a pas permis. Pourquoi ce pauvre petit bain est-il si délaissé ? &amp; cependant tous ceux qui y ont passé s'en trouvent satisfaits &amp; contents.

Je n'ai pas été à [[Vieux-Thann et Thann (Haut-Rhin)|Thann]] &amp; ne sais ce qui s'y passe. L'on me dit que l'un des rédacteurs en chef de l'une des [[La presse|feuilles Thannoise]], il y en a deux maintenant, est en prison.

Pauvre [[Henriet, Louis Alexandre (1814-1895) et sa famille|Henriet]] tout le monde lui tombe dessus. Mais il a la vox populi pour lui &amp; il y compte.

Je n'ai pas de lettre d'Edgar<sup><ref>Edgar [[Zaepffel, Edgar (1823-1911) et sa famille|Zaepffel]].</ref></sup>, mais par contre M. [[Kestner, Charles (1803-1870) et sa famille|Chauffour]]<sup><ref>Victor Chauffour, gendre de Charles [[Kestner, Charles (1803-1870) et sa famille|Kestner]].</ref></sup> m'a écrit &amp; me confirme ce que je croyais qu'en cas de force majeure je ne saurais être responsable.

Décidément M<sup>mes</sup> [[Kestner, Charles (1803-1870) et sa famille|Kestner]] &amp; Charras<sup><ref>Marguerite Rigau, épouse de Charles [[Kestner, Charles (1803-1870) et sa famille|Kestner]] et sa fille Mathilde veuve de Jean Baptiste Charras.</ref></sup> restent à Wildbad &amp; elles ont raison, au milieu des montagnes elles n'ont rien à craindre, car jamais armée n'arrivera là.

Samedi matin. Je reçois à l'instant une lettre d'Edgar qui comprend que la guerre était nécessaire, indispensable. Il vient de parcourir les com<sup>m</sup>unes environnant Colmar pour presser les gens à rentrer leur récolte. Un corps d'armée va camper dans ses environs.

Si les affaires se compliquent je vous amènerai peut-être ma femme<sup><ref>Émilie [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]], épouse d’Edgar [[Zaepffel, Edgar (1823-1911) et sa famille|Zaepffel]].</ref></sup>, me dit-il à la fin de sa lettre. Que comptez-vous faire ? A mon avis [[Mulhouse|Mulhouse]] est plus exposée que Colmar par la disposition des ch<sup>emins</sup> de fer allemands &amp; par la tentation de [[Mulhouse|Mulh]][[Mulhouse|ouse]] industrielle.

Autre ennui &amp; complication dans mes projets. G<sup>eorges</sup> vient de lire dans l'[[La presse|Industriel]] que les élections municipales vont avoir lieu dans 15 jours. Que tout cela est gai ! &amp; comme il fait bon être quelque petite chose &amp; dire que je ne vois pas comment je puis me débarrasser de ma mairie, qui m'enlève encore le peu de liberté que me laissent les affaires, qui pour moi sont déjà d'un poids trop lourd, surtout dans des moments comme ceux-ci.

Depuis quelques jours je me couche un peu tard, cependant mes nuits sont bonnes, cette dernière trop bonne car je ne me suis levé qu'à 7 h.

G<sup>eorges</sup> n'est pas allé à [[Wattwiller (les bains)|Wattw]][[Wattwiller (les bains)|iller]], sa femme avait son marché de Samedi

Le mois passé n'a pas été trop mauvais. celui-ci le sera par contre.

Depuis Mercredi je suis sans nouvelle aucune de [[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|Morschw]][[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|iller]]<sup><ref>[[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|Morschw]][[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|iller]] où se trouve la famille [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]].</ref></sup>. J'attendais Léon<sup><ref>Léon [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]].</ref></sup> qui n'est pas venu. Mais il est temps que je voie ce qui se fait ici. Embrasse bien mes fillettes<sup><ref>Marie te Émilie [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]].</ref></sup>, qu'elles s'amusent bien, c'est de leur âge. Pour toi chérie mes meilleurs baisers, ne m'oublie pas auprès de tous ceux qui t'entourent.

tout à toi

Ch<sup>arles</sup> [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]]
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==Notes==
<references />
==Notice bibliographique==
D’après l’original
==Annexe==
Madame [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]]

maison Chabert

Paramé près <u>St Malo</u>

Ille &amp; Vilaine
{{Lettre 
      |id=1870-037 
      |sous-titre=Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paramé) 
      |signataires=Mertzdorff (Charles) 
      |destinataires=Desnoyers (Eugénie – épouse Mertzdorff) 
      |date de rédaction=23 juillet 1870 
      |personnes citées=Duméril (Léon);Mertzdorff (Emilie – épouse Leclerc épouse Zaepffel);Rigau (Marguerite – épouse Kestner);Heuchel (Georges);Mertzdorff (Marie – épouse de Fréville);Mertzdorff (Emilie – épouse Froissart);Zaepffel (Edgar);Henriet (Louis Alexandre);Schirmer (Elisabeth – épouse Heuchel);Kestner (Mathilde – épouse Charras);Dugué (Charles);Sick (Mlle);Kohl (Marie Louise);Risler (M.);Chabert (M.) 
      |lieux cités=Vieux-Thann;Paramé 
      }}