Voir la source de Vendredi 19 août 1870 (A)

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<span class="letter-subtitle">Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris)</span>

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CHARLES [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|MERTZDORFF]]

AU [[Vieux-Thann et Thann (Haut-Rhin)|VIEUX-THANN]]

Haut-Rhin<sup><ref>En-tête imprimé.</ref></sup>

19 Août matin.

Vendredi. Ma chère Eugénie J'ai reçu hier au soir ta bonne lettre du 17 mais 6<sup>ème</sup> jour sans [[La presse|journ]][[La presse|aux]] français sauf l'[[La presse|Industriel]] qui nous en donne q<sup>uelques</sup> extraits lorsque par q<sup>uelques</sup> voyageurs il peut avoir un [[La presse|Journal]]. l'armée franç<sup>aise</sup> a été &amp; est encore dans une position bien critique. Si [[Bazaine, François Achille (1811-1888)|Bazaine]] opère sa retraite heureusement, ayant à dos une armée 4 fois plus forte que lui, ce sera magnifique. Il s'agit maintenant de savoir ce qu'il trouvera à [[Camp de Châlons (1857-1870), camp de Mourmelon (1914-1918)|Châlons]]. S'il y a 300 m<sup>ille</sup> hom<sup>m</sup>es nous pouvons peut-être avoir raison des 6 à 700 m<sup>ille</sup> allemands. Nous ne serions toujours en hommes que com<sup>m</sup>e 5 à 7 ou 8.

Tu comprends toutes nos inquiétudes ; voilà Belfort dégarni de troupes depuis avant-hier, par contre au sud de l'Allemagne, de l'autre côté de la forêt noire, il y a toute une grosse armée à cheval sur ses chemins de fer attendant les ordres de Moltke. Si nos troupes se retirent sur Paris, nous devons forcément être occupés ; car une préoccupation d'une retraite des allemands n'existant plus, toutes ces réserves qui sont encore immenses seront disponibles. Ils ont 1 200 m<sup>ille</sup> soldats !

Notre crainte c'est de nous voir coupés de la France. Voilà déjà le bas-Rhin qui s'organise à la prussienne. Administrateurs &amp; financiers prussiens y sont. Du reste l'on dit quantité de cour<sup>r</sup>iers anglais surtout, vont &amp; viennent du quartier général Prussien &amp; qu'une brochure anglaise, préliminaire de paix va est en travail.

Nous devons être sacrifiés ; l'Alsace sera réunie à l'Allemagne. Ce serait un pauvre pays que le nôtre, appelé à voir tous les 10 ou 20 ans une guerre comme celle-ci. Mais qu'y faire ! Si c'était encore par notre unique faute.

Tu vois que dans le fin fond de ma solitude je broie un peu de noir ; mais comment n'en serait-il pas ainsi, devant nous le Rhin &amp; ses habitants, derrière nous l'armée ennemie, à moins l'on serait maté &amp; découragé.

Je comprends colère &amp; énergie à Paris. Mais je suis sûr que si tu voyais les villages &amp; petites villes ouvertes de toute la France, tu ne trouverais pas cet élan parisien qui se sent chez lui &amp; est assez fort pour une résistance sérieuse.

Je partage bien les inquiétudes de notre bonne mère<sup><ref>Jeanne [[Target, Jeanne (1805-1882) et ses proches|Target]], épouse de Jules [[Desnoyers, Jules (1800-1887) et ses descendants|Desnoyers]].</ref></sup>, il y a de quoi. L'on ne peut que demander à Dieu. Je ne continue pas car je broie du noir.

Ici c'est toujours la même situation du pays &amp; des affaires. Hier soir je suis resté à la mairie jusqu'à 9 <sup>h</sup>. puis ai trouvé M. [[Jaeglé, Frédéric Eugène (1833-1906), son fils Georges et leurs proches|Jaeglé]] au bureau, puis j'ai lu mon [[La presse|journal de Bâle]] &amp; le [[La presse|petit Industriel]]. Il faudra encore bien 6 jours jusqu'à ce que [[Bazaine, François Achille (1811-1888)|Bazaine]] soit à [[Camp de Châlons (1857-1870), camp de Mourmelon (1914-1918)|Châlons]], ce seront autant de journées de combat à moins que le camp soit assez fort pour aller à sa rencontre.

D'après le [[La presse|journal]], Strasbourg a fait une sortie a été repoussé &amp; laissé un canon. Par contre à Sélestat 250 uhlans ont sommé la ville, la sortie de quelques [[Garde mobile (1868-1871)|mobiles]] les a mis en fuite laissant 10 des leurs. Tout cela est peu important.

Si le père<sup><ref>Jules [[Desnoyers, Jules (1800-1887) et ses descendants|Desnoyers]].</ref></sup> ne peut pas vous accompagner à [[Nogent-le-Rotrou et Launay (L’Aunay d’en-Bas)|Launay]], il est bien sûr qu'il faut rester à Paris, où maman aura toujours plus facilement des nouvelles de Julien<sup><ref>Julien [[Desnoyers, Jules (1800-1887) et ses descendants|Desnoyers]].</ref></sup>. Je me fais plus facilement à l'idée de vous voir à Paris quoique j'aurais cru qu'à [[Nogent-le-Rotrou et Launay (L’Aunay d’en-Bas)|Launay]] vous vous trouviez parfaitement en sécurité, mais comme tu dis isolés de tous ceux qui restent à Paris. Comment saurait être bien en ce moment.

Le petit Bonheur vient de prendre congé, com<sup>m</sup>e anc<sup>ien</sup> militaire il est appelé. Cette classe d'hom<sup>m</sup>es ne fait guère que 40 000 h<sup>ommes</sup> au maximum mais ce seront de bons soldats, seulement ont-ils le droit de se plaindre parce qu'ils ont déjà servi 7 ans il faut qu'ils se dévouent p<sup>our</sup> tandis que ceux qui sont restés à la maison &amp; ne peuvent être bons parce qu'ils ne savent pas le métier restent forcément à la maison. Le pays serait autrement défendu si tout le monde avait été soldat ne fut-ce que 1 à 3 ans com<sup>m</sup>e en Prusse.

Pour demain il reste encore 200 pièces, ce sont les dernières. l'un des [[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|blanchiments]] se trouvera vidé demain, l'autre à la fin de la semaine proch<sup>aine</sup> alors je n'aurai plus de travail pour 10 ouvriers ! Si tu me demandes ce que je ferai, je n'en sais rien, l'on va le jour le jour ; tant que j'aurai de l'argent je paierai aux ouvriers une indemnité p<sup>our</sup> qu'ils puissent un peu vivre. Mais l'on n'a cœur à rien.

Je suis seulement trop bien soigné en tout l'on me gâte. Quant au manger je l'ai réduit à sa plus simple expression &amp; m'en trouve très bien. Pour le reste mes servantes se lamentent toujours qu'elles n'ont rien à faire p<sup>our</sup> moi. Nanette<sup><ref>Annette, domestique chez les [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]].</ref></sup> surtout voudrait bien revoir la maîtresse de maison à laquelle il faut bien se soumettre, l'attente ne peut pas être longue. 7<sup>bre</sup> décidera de nous &amp; notre pauvre pays !

&lt;    &gt; bonnes lettres que je reçois qui sont ma seule consolation. Je vous embrasse com<sup>m</sup>e je vous aime

Ch<sup>arles</sup>

J'ai écrit hier à Edgar<sup><ref>Edgar [[Zaepffel, Edgar (1823-1911) et sa famille|Zaepffel]].</ref></sup>. Je voudrais bien voir ma sœur<sup><ref>Emilie [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]], épouse d’Edgar [[Zaepffel, Edgar (1823-1911) et sa famille|Zaepffel]].</ref></sup>, mais cela n'est pas possible, ils sont bien démontés aussi. Nous pouvons encore avoir de bien mauvais jours à passer. Tant qu'on a des nouvelles les uns des autres l'on trouve consolation.
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==Notes==
<references />
==Notice bibliographique==
D’après l’original
{{Lettre 
      |id=1870-074 
      |sous-titre=Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris) 
      |signataires=Mertzdorff (Charles) 
      |destinataires=Desnoyers (Eugénie – épouse Mertzdorff) 
      |date de rédaction=19 août 1870 
      |personnes citées=Desnoyers (Julien);Desnoyers (Jules);Target (Jeanne – épouse Desnoyers);Mertzdorff (Emilie – épouse Leclerc épouse Zaepffel);Zaepffel (Edgar);Jaeglé (Frédéric Eugène);? (Annette), domestique chez les Mertzdorff;Bonheur (M.);Moltke (Helmuth von);Bazaine (François Achille) 
      |lieux cités=Paris;Vieux-Thann 
      }}