Voir la source de Dimanche 10 et lundi 11 novembre 1872


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__NOTOC__
<span class="letter-subtitle">Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)</span>



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[[Vieux-Thann et Thann (Haut-Rhin)|Vieux-Thann]]

Dimanche 10 Novembre

4<sup>h</sup>

Ma chère petite Gla,

Si on jugeait de notre affection que par notre correspondance on pourrait en tirer une conclusion qui serait bien loin de la vérité ; mais j'avoue que, pour ma part, je suis coupable de ne pas t'écrire plus souvent ; il me semble toujours que ce que j'aurais à te dire n'en vaut pas la peine ; et que les q<sup>uelques</sup> instants dont je puis disposer entre une chose et une autre ne sont pas assez longs p<sup>our</sup> prendre la plume ; le soir je suis fatiguée et mon esprit n'a plus toute sa lucidité, enfin je trouve toujours q<sup>uelques</sup> bonnes raisons pour laisser de côté une bonne petite causerie avec toi, tandis que veiller à la cave et au grenier, faire des dictées, promener mes deux fillettes<sup><ref>Marie et Emilie [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]] (la « petite jeunesse »).</ref></sup>, distribuer mes poires, écrire q<sup>uelques</sup> lettres ennuyeuses, chercher q<sup>uelques</sup> lectures amusantes p<sup>our</sup> ma petite jeunesse &amp;&amp; voilà mes occupations quotidiennes.

Aujourd'hui Dimanche pluie, après une semaine qui aurait pu faire croire au printemps plutôt qu'à l'approche de l'hiver. Nous sommes allées à la g<sup>rand</sup> messe et aux vêpres en compagnie de bonne-maman [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]]<sup><ref>Félicité [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]], épouse de Louis Daniel Constant [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]] ; ils résident à [[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|Morschwiller]].</ref></sup> car elle est venue nous surprendre avec son mari, malgré le mauvais temps. Leur seule distraction est de venir nous trouver, ils nous le prouvent bien. Léon<sup><ref>Léon [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]], fils des précédents.</ref></sup> est parti ce matin pour les Vosges il va passer la semaine à [[Senones (entreprise vosgienne de textile)|Senones]]<sup><ref>[[Senones (entreprise vosgienne de textile)|Senones]], où réside Frédéric [[Seillière, Frédéric (1838-1899) et ses proches|Seillière]].</ref></sup>. Depuis Mercredi il avait pris domicile chez nous afin de ne pas compter à [[Les propriétés et entreprises de Charles Mertzdorff et de ses successeurs|Morschwiller]] lorsqu'on viendra vérifier quels sont les français qui sont revenus ; pour lui ça n'a aucune importance, mais il faut cependant éviter l'équivoque. Mais c'est triste pour ses parents d'être seuls. A [[Mulhouse|Mulhouse]] on continue à regarder comme nulles les [[Le traité de Francfort et l’indemnité de guerre (1871-1873)|options]] de ceux qui rentrent, d'autres attendent l'autorisation de pouvoir retourner à leurs affaires, mais l'autorisation peut se faire attendre encore longtemps. On est à la merci des vainqueurs.

On me rapportait, de bonne source, que les Allemands ne sont pas tous contents de l'empereur de Prusse<sup><ref>Guillaume I<sup>er</sup> (1797-1888) roi de Prusse, empereur d’Allemagne.</ref></sup> et que beaucoup disent (des Catholiques) qu'ils lui ont donné leurs fils p<sup>our</sup> combattre avec lui, mais qu'une autre fois, il n'en sera plus ainsi, car il fait la guerre à leurs convictions, et persécute ce qu'ils vénèrent. Aussi on parle encore d'émigrants allemands qui partiraient au printemps p<sup>our</sup> l'Amérique. D'autres, auxquels on faisait une demande en faveur d'un établissement de charité en Alsace, répondaient en donnant peu ou en refusant : « L'Alsace, oh ! elle est toujours française et la France la reprendra ! <u>aussi est-ce une épingle dans la chair vive de l'Allemagne</u>, et elle la déchirera ; et voilà ce que la guerre et l'empereur de Prusse nous vaudront. » Je ne puis te rapporter ces choses-là qu'en te disant bien entendu qu'elles me viennent de gens qui partagent cette opinion ; le parti protestant ne doit pas tenir même langage.

L'assemblée va s'ouvrir<sup><ref>Ouverture de la session à l’Assemblée le 13 novembre.</ref></sup> que Dieu écoute les prières qu'on lui adresse et qu'il protège la France.

Je te remercie bien d'être allée chez ces dames [[Boblet-Charrier (Mesdames)|Charrier]] et [[Boblet-Charrier (Mesdames)|Boblet]] ; tu n'as pas besoin d'y retourner, je n'ai rien à leur demander de particulier, nous avons repris nos correspondances : elles font leurs envois avec une conscience et une affection vraiment dignes d'admiration. Mes fillettes vont très bien, et se sont remises au travail avec bonheur, Marie<sup><ref>Marie [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]].</ref></sup> y met tout son entrain. Je suis enchantée du conseil que tu m'as donné l'hiver dernier de leur faire suivre le Cours. Au reste tu as toujours de bonnes idées et tu dois être heureuse en voyant comme tu as bien réussi p<sup>our</sup> Criquet<sup><ref>Probablement Alphonse [[Pavet de Courteille, Daniel (1828-1870) et ses proches|Pavet de Courteille]].</ref></sup>. Comment va Louise<sup><ref>Louise [[Milne-Edwards, Alphonse (1835-1900), son père Henri, leurs proches et descendants|Milne-Edwards]], veuve de Daniel [[Pavet de Courteille, Daniel (1828-1870) et ses proches|Pavet de Courteille]].</ref></sup>, que fait-elle avec Etienne<sup><ref>Etienne [[Pavet de Courteille, Daniel (1828-1870) et ses proches|Pavet de Courteille]].</ref></sup> ?

Et petit Jean<sup><ref>Jean [[Dumas, Ernest Charles Jean Baptiste (1827-1890) et ses descendants|Dumas]].</ref></sup> ? il y a bien longtemps que nous n'avons pas entendu parler de lui ? voit-il encore q<sup>uelque</sup>fois François Rousseau ? Embrasse-le bien pour nous, dis-lui que ses amies jouent en ce moment avec les gr<sup>andes</sup> poupées, on les fait voyager, on les envoie en pension &amp;&amp; enfin tout un monde imaginaire qui vient remplacer les compagnes de jeu. Jeudi la famille &lt;Gaest&gt; est venue passer l'après-midi chez nous ; la maman me plait bien, c'est une femme aimable et intelligente, et simple, aussi nos deux heures ont bien passé pendant que sa jeune fille jouait avec Marie et Emilie. Elle est comme nous privée de société p<sup>our</sup> sa fille, aussi nous nous sommes promis de faire des efforts p<sup>our</sup> que notre jeunesse se rencontre quelquefois (seulement trois heures de voiture c'est ennuyeux !)

Le terme de la livraison de tes petites robes approche, je te vois te dépêchant, travaillant à force. Est-ce qu'Est<sup>elle</sup><sup><ref>Estelle, domestique chez les [[Milne-Edwards, Alphonse (1835-1900), son père Henri, leurs proches et descendants|Milne-Edwards]].</ref></sup> continue à avoir le cœur occupé de son jeune homme ? par qui la proposition lui est-elle venue ? Pauvre fille je lui souhaite bonheur.

Je trouve que tu as bien fait d'accepter de t'occuper de l'œuvre des écoles, tu peux rendre des services, et comme tu vas souvent rue de l'Epée de Bois<sup><ref>Ecole de charité fondée par la sœur Rosalie (Jeanne Marie [[Rendu, Jeanne Marie, dite sœur Rosalie (1786-1856)|Rendu]]).</ref></sup> tu peux être bien plus renseignée. Ce sont certainement les occupations de cet ordre qui donnent le plus de satisfaction. Vendredi (après le Cours) j'ai emmené mes deux petites filles faire notre tour dans les deux [[Vieux-Thann et Thann (Haut-Rhin)|orphelinats]] et à l'hôpital. On rentre le cœur plus content et puis on sent aussi qu'on fait tant de plaisir aux dignes religieuses qui s'occupent de ces établissements. As-tu su qui était la supérieure de la rue Oudinot de Paris ? J'espère que maman<sup><ref>Jeanne [[Target, Jeanne (1805-1882) et ses proches|Target]], épouse de Jules [[Desnoyers, Jules (1800-1887) et ses descendants|Desnoyers]].</ref></sup> n'a plus à retourner à [[Montmorency|Montmorency]] ; la saison n'est plus favorable aux courses à la campagne. Charge-toi de toutes mes tendresses p<sup>our</sup> cette bonne petite mère, cette lettre est pour elle aussi.

C'est ennuyeux de penser à sa toilette, mais puisqu'Alph<sup>onse</sup><sup><ref>Alphonse [[Milne-Edwards, Alphonse (1835-1900), son père Henri, leurs proches et descendants|Milne-Edwards]].</ref></sup> désire que tu puisses l'accompagner si tu as q<sup>uelques</sup> invitations tu feras bien de te faire arranger ce qu'il te faut p<sup>our</sup> ne plus avoir à t'en occuper.

Les enfants étrennent aujourd'hui leurs robes à carreaux verts et noirs, elles vont très bien ; c'est une bonne robe de &lt;  &gt; à polonaise bien relevée et garnie avec de larges lacets de laine. Ma vieille robe brodée est aussi très bien arrangée. Me voici du solide et du chaud p<sup>our</sup> l'hiver.

La question des chapeaux m'ennuie à cause de toi, ma Chérie, car cela te donne toujours du mal. Charles<sup><ref>Charles [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]].</ref></sup> me grondait d'accepter de te les renvoyer. Nous les avons encore essayés aujourd'hui. A Marie ça pourrait aller. Mais p<sup>our</sup> Emilie la tête est trop large et le chapeau enfonce trop puisqu'il n'y a rien p<sup>our</sup> l'arrêter, ses nattes étant pendantes. Fais faire les velours dans la forme que tu me proposes, celle de cet été ; seulement je crois qu'il faut laisser mettre assez de garniture devant p<sup>our</sup> que les formes soient &lt;  &gt;, car l'œil y est fait et c'est la garniture qui a rendu ceux de cet été jolis. Pour le moment elles mettent les petits feutres ronds noirs d'il y a trois ans, sur lesquels j'ai posé les &lt;&gt; de ruban que nous avions fait ensemble p<sup>our</sup> les g<sup>rands</sup> chapeaux que nous avions rattrapés au citron. Et avec une voilette c'est suffisant. Ainsi ne te tourmente pas.

Charles depuis le départ des [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]] cartonne, c'est sa récréation, il va bien et me charge de ses amitiés p<sup>our</sup> vous tous. Les mousses et lichens secs sont étalés sur la table p<sup>our</sup> qu'on les range mais les petites joueuses s'amusent et je me garderais de les déranger. Nous avons lu hier soir dans le [[La presse|magasin pittoresque]] (mois de Septembre) l'histoire d'une Souris que je te recommande.

Nous sommes bien heureux de savoir Alphonse remis ; je ne lui dirai pas de ne pas trop se fatiguer, car je le vois d'ici sourire.

Adèle<sup><ref>Adèle [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]], épouse de Félix [[Soleil, Félix (1839-1891)|Soleil]] (voir sa [[Vendredi 1er novembre 1872|lettre du 1]][[Vendredi 1er novembre 1872|er]][[Vendredi 1er novembre 1872| novembre]]).</ref></sup> a écrit à Marie p<sup>our</sup> lui demander d'être marraine d'un quatrième enfant<sup><ref>Louise [[Soleil, Félix (1839-1891)|Soleil]], née le 22 décembre 1872.</ref></sup> qui doit venir au mois de Janvier. Marie a répondu qu'elle acceptait avec g<sup>rand</sup> plaisir ! et c'est bien la vérité.

J'ai reçu une aimable lettre de M<sup>me</sup> [[Roger, Pauline (née en 1839) et ses proches|Roger]]<sup><ref>Pauline [[Roger, Pauline (née en 1839) et ses proches|Roger]], veuve de Louis [[Roger, Pauline (née en 1839) et ses proches|Roger]].</ref></sup> en réponse à celle que je lui avais écrite &lt;     &gt; la mort de son mari.

&lt;    &gt; tout cela m'intéresse.

Adieu, ma Chérie, en voilà un bavardage qui peut compter, je t'embrasse de tout cœur, fais-en autant à maman et à ton mari de notre part à tous et garde p<sup>our</sup> toi mille tendresses.

E.M.

Marie dit toujours qu'elle veut t'écrire, mais l'intention ne suffit pas. Elle est ravie de ton bon goût et elle travaille au salon après avoir fait une barricade entre elle et moi.

[[Besançon, Cécile (née vers 1830)|Cécile]]<sup><ref>[[Besançon, Cécile (née vers 1830)|Cécile]], bonne des petites [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]].</ref></sup> souffre encore de sa jambe, la pauvre fille &lt;s’en désole&gt; naturellement mais ça ne l'empêche pas de bien travailler.

<u>Lundi</u> 1<sup>h</sup> Merci p<sup>our</sup> ta bonne lettre écrite hier. J'approuve tout et suis enchantée d'avoir à payer 5 F par mois p<sup>our</sup> la petite Berthe<sup><ref>Berthe non identifiée.</ref></sup> soit rue Oudinot. Ça me sera un prétexte p<sup>our</sup> retourner avec toi voir la supérieure. Tu dois être contente d'avoir terminé tes petites robes.

Embrasse bien Hortense<sup><ref>Hortense [[Target, Jeanne (1805-1882) et ses proches|Duval]].</ref></sup> p<sup>our</sup> nous. Mille amitiés à tous p<sup>our</sup> nous E.M.

Amitiés à papa<sup><ref>Jules [[Desnoyers, Jules (1800-1887) et ses descendants|Desnoyers]].</ref></sup>, Alfred<sup><ref>Alfred [[Desnoyers, Jules (1800-1887) et ses descendants|Desnoyers]].</ref></sup>. Ne m'oublie pas auprès de M. [[Milne-Edwards, Alphonse (1835-1900), son père Henri, leurs proches et descendants|Edwards]]<sup><ref>Henri [[Milne-Edwards, Alphonse (1835-1900), son père Henri, leurs proches et descendants|Milne-Edwards]].</ref></sup>, Cécile<sup><ref>Cécile [[Milne-Edwards, Alphonse (1835-1900), son père Henri, leurs proches et descendants|Milne-Edwards]], épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste [[Dumas, Ernest Charles Jean Baptiste (1827-1890) et ses descendants|Dumas]].</ref></sup>.
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==Notes==
<references />
==Notice bibliographique==
D’après l’original
{{Lettre 
      |id=1872-67 
      |sous-titre=Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) 
      |signataires=Desnoyers (Eugénie – épouse Mertzdorff) 
      |destinataires=Desnoyers (Aglaé – épouse Milne-Edwards) 
      |date de rédaction=11 novembre 1872 
      |personnes citées=Duméril (Léon);Duméril (Louis Daniel Constant);Duméril (Félicité – épouse Duméril);Desnoyers (Jules);Target (Jeanne – épouse Desnoyers);Desnoyers (Alfred);Milne-Edwards (Alphonse);Mertzdorff (Charles);Duval (Hortense – épouse Aubry);Mertzdorff (Marie – épouse de Fréville);Mertzdorff (Emilie – épouse Froissart);Milne-Edwards (Henri);Milne-Edwards (Cécile – épouse Dumas);Dumas (Jean);Besançon (Cécile);Pavet de Courteille (Alphonse);Duméril (Adèle – épouse Soleil);Pavet de Courteille (Etienne);? (Estelle), domestique chez les Milne-Edwards;Milne-Edwards (Louise – épouse Pavet de Courteille);Soleil (Louise);? (Berthe);Guillaume Ier, roi de Prusse, empereur d’Allemagne;Boblet (Mmes);Rousseau (François);Gaest (famille);Roger (Pauline – épouse Roger) 
      |lieux cités=Paris;Vieux-Thann 
      }}