Mercredi 3 août 1842
Lettre d’Auguste Duméril (Paris) à sa tante Alexandrine Cumont (Lille)
D’André Auguste Duméril
3 Août 1842.
Ma chère tante,
La fin du séjour de Félicité[1] à Lille, et, par suite, le moment de mon départ, pour aller la chercher, s’approchant, j’éprouve le besoin et le désir de m’adresser à vous.
Constant, comme vous devez bien le penser, m’a entretenu, depuis son retour, des conversations qu’il avait eues avec vous, sur un sujet qui est pour moi si plein d’intérêt, et que je vois avec tant de regret être pour vous une cause de chagrin. L’affection que vous avez bien voulu me témoigner en tout temps, et à laquelle, vous n’en doutez pas, j’espère, la mienne a toujours répondu, me fait prendre une vive part à la peine bien naturelle que vous cause l’éloignement de votre fille, lorsqu’elle sera mariée. La franchise de mon caractère, s’il est permis de parler ainsi de soi-même, est pour vous, je l’espère, ma chère tante, une garantie de la sincérité de mes expressions. Malgré ces motifs, je ne puis vous cacher la ferme intention où je suis, de ne pas renoncer à la main d’Eugénie. Trop de bonheur me semble promis, pour que je puisse consentir à le perdre. Lorsque je vous demandais, à vous et à mon oncle[2], votre consentement à une union à laquelle un sentiment très vif me faisait attacher le plus grand prix, ce n’était pas sans avoir longuement et mûrement réfléchi à toutes les conséquences d’un acte aussi grand. J’ai éprouvé l’extrême bonheur de voir cette demande agréée par ma cousine et par vous, et par mon oncle. Je vous avais nettement exposé ma position, et, après avoir discuté, entre vous et avec Auguste[3], tout ce qui pouvait vous porter à consentir ou à refuser, il m’a été répondu par mon oncle, en votre nom et au sien, que dès que ma position me permettrait de me marier, on ne mettrait point d’obstacles à mon union avec ma cousine. J’ai cherché alors à vous exprimer de mon mieux, à vous et à mon oncle, les sentiments de vive reconnaissance que m’avait inspirés cette promesse. Depuis lors, je n’ai rien négligé pour m’efforcer, par ma conduite au travail, de hâter le moment où je pourrai jouir de la félicité de me dire votre gendre. Les engagements que j’avais pris relativement à l’entière liberté religieuse qui serait laissée à Eugénie, pour elle-même, et pour les enfants qu’elle pourrait avoir, je les ai regardés, dès le premier instant, comme sacrés, et je vous les renouvelle ici. Je ne comprends donc pas ce qui, dans mes rapports avec vous, depuis le mois de mars, aurait pu apporter quelque changement à ce qui avait été alors formellement décidé. Aussi, ne vois-je pas de motif pour ne pas aller à Lille, puisque j’ai été invité par mon oncle à m’y rendre, et que je dois accompagner Félicité pour son retour. Ayant, pour m’encourager à cette visite, le consentement que j’ai reçu de ma cousine Eugénie, avec votre assentiment, et celui de son père, et ainsi engagé, alors même que le vif attachement que m’a inspiré votre fille ne m’y porterait pas, je ne croirais pas pouvoir renoncer à ce projet de voyage. Mes parents[4], qui voient pour moi dans cette union, le gage d’un bonheur assuré, partagent complètement ma manière de voir.
J’ose donc espérer, ma chère tante, que vous n’aurez pas trop de contrariété de me voir arriver à Lille, et qu’envisageant ce mariage d’un œil plus favorable, vous ne repousserez pas un moyen de diminuer les regrets que j’éprouverais à séparer de vous votre fille : ce serait de ne pas vous opposer au projet dont il a déjà été question : celui de vous transporter avec mon oncle dans les environs de Paris. Ce voisinage, qui permettrait de fréquents rapports entre vous et vos filles, et votre fils, qui alors serait sans doute bien promptement appelé à un service dans le département de la Seine, concilierait tout.
Voilà, ma chère tante, ce qui m’a paru convenable de vous dire, avant mon arrivée à Lille, et j’espère de tout mon cœur que vous ne saurez méconnaître, au fond de ma pensée, le sincère et très respectueux attachement que ne cessera de vous porter votre tout dévoué neveu.
Notes
Notice bibliographique
D’après le livre de copies : lettres de Monsieur Auguste Duméril, 1er volume, « Lettres relatives à notre mariage », p. 159-162
Pour citer cette page
« Mercredi 3 août 1842. Lettre d’Auguste Duméril (Paris) à sa tante Alexandrine Cumont (Lille) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_3_ao%C3%BBt_1842&oldid=35160 (accédée le 21 novembre 2024).
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