Assignats et prix pendant la Révolution française

De Une correspondance familiale

Les assignats

Pour résoudre la crise financière héritée de l’ancien Régime et que la convocation des Etats généraux n’avait pu résoudre, un décret du 2 novembre 1789 met les biens du clergé à la disposition de la nation pour servir de garantie à une émission de papier-monnaie, les assignats. Cette solution, préconisée par de nombreux cahiers de doléances, est proposée après l’échec d’autres moyens : emprunts, dons volontaires, contribution patriotique. L’Etat dispose ainsi d’un capital d’une valeur considérable.

En décembre 1789, l’Assemblée Constituante émet, pour une valeur de 400 millions, des bons à 5 % (les assignats) admis de préférence pour l’achat des biens ecclésiastiques. Pour assurer le succès de l’opération et gagner la confiance du public les biens du clergé sont déclarés biens nationaux et le cours forcé des assignats est décrété : ils deviennent un papier-monnaie (mars-avril 1790). De nouveaux assignats sont émis (800 millions en septembre 1790, 600 millions en juin 1791), qui atteignent un total de 1 800 millions à l’automne 1791, et continuent de se multiplier et se déprécier. En 1793, l’assignat de 100 livres a perdu la moitié de sa valeur ; en juillet 1794, il vaut 37 livres et en avril 1795, 8 livres ; en juillet 1795, André Marie Constant Duméril note qu’il vaut moine de 4 livres (« L’écu de six francs s’est vendu jusqu’à 180ll »).

De faux assignats sont mis en circulation. La Société d’émulation de Rouen s’en émeut, et André Marie Constant Duméril, qui en est membre, fait allusion à ses conclusions sur le sujet[1] (lettre du 19 février 1793).

Dès novembre 1795, un texte officiel déclare que « la fabrication des monnaies d’or, d’argent et de cuivre sera activée par tous les moyens possibles ». Les assignats sont supprimés en 1796 et remplacés momentanément par une nouvelle monnaie de papier, les mandats territoriaux. Ceux-ci sont très vite dépréciés et le Directoire renonce au papier-monnaie : les impôts sont payés en numéraire à partir de février 1797.

Avant même la fin du Directoire (1799), la livre tournoi de l’Ancien Régine revient sous le nom de « franc », avec la même valeur en poids d’argent. La loi de Germinal an XI (7 avril 1803) fixe la valeur du franc à 5 grammes d’argent. Les anciens louis de 24 et 12 livres continuent à circuler, ainsi que les anciens écus de 6 livres (la livre valant le franc), jusqu’au début des années 1830.

La vente des biens nationaux (et ensuite celle des biens des émigrés) entraîne d’énormes déplacements de propriétés dans lesquels les relations et l’entourage de François Jean Charles Duméril en Picardie sont partie prenante : les lettres de son fils en donnent parfois un lointain écho.

Une autre conséquence de l’émission des assignats, le renchérissement de la vie, est en revanche très souvent évoquée dans les lettres du jeune André Marie Constant Duméril, qui justifie ses récurrentes demandes d’argent à ses parents en donnant les prix des denrées.

Le prix du pain

Dès avant la Révolution le pain semble cher : 6 livres de pain coûtent 12 sous, soit le salaire d’un journalier. Le pain reste la nourriture de base et la Révolution ne supprime pas la hantise populaire du pain cher et de la faim. Le prix du blé est en augmentation (les 6 livres de pain coûtent 15 sous à Etampes en mars 1792), ce qui provoque agitation populaire et discussions politiques. L’approvisionnement en sucre, en savon, en viande, en chandelles, en vin, etc. est difficile. Finalement la Convention fixe un prix maximum pour les grains puis pour tous les produits de première nécessité et les « salaires, gages main d’œuvre et journées de travail » (29 septembre 1793). La loi précise que « les tableaux du maximum ou du plus haut prix de chacune des denrées énoncées dans l’article I seront rédigés par chaque administration de district et affichés dans la huitaine » (article II) et que « toutes les personnes qui vendraient ou achèteraient […] au-delà du maximum paieront, par forme de police municipale, une amende solidaire double de l’objet vendu […] » (article VII). Les sans-culottes approuvent et chantent :

De la loi c’est un beau factum

Que le bienfaisant maximum.

Un mois plus tard, en octobre 1793, est créée la carte de rationnement. Elle donne droit à 750 g de pain par jour, rapidement réduits à 500 g puis, en 1794, à 250 g. Il faut faire des heures de queue pour être servi. À Paris, plus de pain de fleur de farine : une seule qualité de pain est fabriquée (décembre 1793).

Dès le mois de mars 1794 le Comité de Salut public relève les tarifs du Maximum ; après Thermidor, en 1796, la Convention abolit le Maximum qui protégeait le prix de la farine et rétablit la liberté du commerce.

Tous les prix montent, l’inflation touche durement les plus pauvres et accentue les inégalités. Fin juin 1795 André Marie Constant Duméril se plaint que la livre de pain coûte 12 livres ; elle passe à 15 livres en juillet. Le boisseau de farine, qui coûtait 2 livres en 1790 en coûte 225 en 1795 ; la paire de bas est passée de 3 livres à 100 livres, la paire de bottes atteint 1 200 livres. Les chiffres sont multipliés par 3 ou par 10 en quelques mois.

Notes

  1. Tableau des faux assignats, ou premier recueil des procès-verbaux de leur falsification, imprimé et publié par la Société d'émulation de Rouen. De l'Imprimerie du Journal de Rouen et du département de la Seine Inférieure. Rouen, 1793, viij + 93 pages, imprimerie dirigée par Noël de la Morinière (précisions apportées par Henri Vérine).


Pour citer cette page

« Assignats et prix pendant la Révolution française », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), URI: https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Assignats_et_prix_pendant_la_R%C3%A9volution_fran%C3%A7aise&oldid=31244 (accédée le 19 avril 2024).

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