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<span class="letter-subtitle">Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)</span>


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19 Décembre

Mon Père chéri,

Je viens me consoler auprès de toi du fâcheux accident survenu dans mes finances et qui me rend toute mélancolique. Tu sais que Marcel et Marie<ref>Marie [[Mertzdorff, Charles (1818-1883) et sa famille|Mertzdorff]], sœur d’Emilie, et son époux Marcel de [[Fréville, Marcel de (1851-1912) et sa famille|Fréville]].</ref> m’avaient priée de leur garder les 500 F du cadeau d’oncle Auguste<ref>Cadeau de mariage de Charles Auguste [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]].</ref> jusqu’à ce qu’ils l’emploient pour leur argenterie. Tu sais aussi qu’un moment me trouvant sans argent j’ai puisé dans ce petit trésor et que je l’ai reconstitué aussitôt que tu m’as donné de l’argent. Marcel me l’a demandé Mercredi, mais Marie m’a dit depuis qu’il n’y avait que 400 F dans le paquet. Je ne sais vraiment pas comment cela peut se faire, mes comptes sont admirablement justes et je ne sais pas où aller rechercher les 100 F qui manquent et qui ont passé je ne sais où. J’entends d’ici que tu te moques de moi, et que tu ris de cette caissière et de ses comptes si justes. Tu n’es pas la seule personne qui ait ri ; Marie me l’a annoncé en riant comme une nouvelle très drôle, la découverte, a paraît-il, fait rire aussi Marcel, et quand je l’ai dit à oncle<ref>Alphonse [[Milne-Edwards, Alphonse (1835-1900), son père Henri, leurs proches et descendants|Milne-Edwards]].</ref> il s’est mis à rire. Mais moi, je ne trouve pas cela drôle du tout ; et je dirais volontiers comme le savetier de La Fontaine : Rendez-moi mes chansons et mon somme, et reprenez vos cent écus.<br />
Heureusement qu’aujourd’hui, pour me faire sortir de ma mélancolie, M<sup>me</sup> de [[Fréville, Marcel de (1851-1912) et sa famille|Fréville]]<ref>Sophie Villermé, veuve d’Ernest de [[Fréville, Marcel de (1851-1912) et sa famille|Fréville]].</ref> nous a envoyé à tante<ref>Aglaé [[Desnoyers, Jules (1800-1887) et ses descendants|Desnoyers]], épouse d’Alphonse [[Milne-Edwards, Alphonse (1835-1900), son père Henri, leurs proches et descendants|Milne-Edwards]].</ref> et à moi des billets pour le Conservatoire dont elle ne pouvait pas profiter. Tu comprends si je suis contente à la pensée d’entendre de la si belle et si bonne musique, c’est si rare d’avoir des places au Conservatoire.

Tante a repris tout à fait sa vie, bien qu’elle ait encore besoin de ménagements, car sa gorge est restée très sensible et aussitôt qu’elle parle un peu haut elle recommence à tousser. Vendredi après la leçon de M. [[Marquerie, Gustave Lucien (1825-1909 ?)|Marquerie]]<ref>Gustave Lucien [[Marquerie, Gustave Lucien (1825-1909 ?)|Marquerie]], professeur de dessin.</ref>, nous sommes allées à la réunion de M<sup>lle </sup>[[Viollet, Mlle (active dans les années 1870)|Viollet]] où j’ai retrouvé Paulette<ref>Paule [[Arnould, Paule (1859-1942) et sa famille|Arnould]].</ref> et M<sup>me</sup> ma sœur, plus un grand nombre d’autres amies. Lucile [[Denormandie, Lucile (1857-1939) et ses proches|Denormandie]], la nouvelle M<sup>me</sup> Cornudet<ref>Lucile [[Denormandie, Lucile (1857-1939) et ses proches|Denormandie]] a épousé en 1880 Frédéric Marie Louis Cordunet.</ref> y était aussi, tout étonnée d’y être venue seule et que sa mère<ref>Marguerite Amélie Guyot-Sionnest, épouse de Victor Paul [[Denormandie, Lucile (1857-1939) et ses proches|Denormandie]].</ref> ne vienne pas la chercher ; elle a cependant l’air bien content d’être mariée.

Hier Tante m’a conduite au cours de M<sup>lle </sup>[[Magdelaine, Mademoiselle (active dans les années 1870)|Magdelaine]]<ref>M<sup>lle </sup>[[Magdelaine, Mademoiselle (active dans les années 1870)|Magdelaine]], professeur des beaux-arts.</ref> et a été faire une séance au [[Paris : grand magasin « Au Bon Marché »|Bon Marché]], elle n’est revenue qu’à la fin du cours de littérature. Marie l’y attendait depuis une heure pour lui demander, de la part de M<sup>me</sup> de [[Fréville, Marcel de (1851-1912) et sa famille|Fréville]], si elle voulait les billets de concert ; heureusement que tante a répondu affirmativement. J’ai été ensuite à mon dernier cours d’anglais, nous aurons trois semaines de vacances à cause de Noël et du jour de l’an qui tombent un Samedi et, à partir du mois de Janvier, je prendrai des leçons particulières pour pouvoir assister au cours de chant.

Marie m’a communiqué la bonne lettre que tu lui as écrite, je ne lui fais qu’un reproche [  ] de ton arrivée, mais je pense que ce sera avant la fin de la semaine, car tu sais que nous t’attendons pour Noël comme cela a été convenu avant ton départ.

Marie et Marcel ne pouvant pas venir dîner Mercredi puisqu’ils doivent aller chez M<sup>me </sup>[[Barth, Jean Baptiste Philippe (1806-1877) et ses descendants|Barth]]<ref>Louise Meynier, veuve du docteur Jean Baptiste Philippe [[Barth, Jean Baptiste Philippe (1806-1877) et ses descendants|Barth]].</ref> viendront probablement déjeuner demain pour manger des huîtres et une langouste qu’on vient d’envoyer à oncle de Concarneau ; la hure annuelle est aussi arrivée hier.

Adieu, mon Papa chéri, je t’embrasse de tout mon cœur. Quel bonheur de penser que je pourrai le faire bientôt pour vrai.<br />
Émilie

J’embrasse bien bon-papa et bonne-maman<ref>Louis Daniel Constant [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]] et son épouse Félicité [[Duméril, François Jean Charles (1733-1823) et ses descendants|Duméril]].</ref>.

[ ] M. [[Chasles, Michel (1793-1880)|Chasles]]<ref>Le mathématicien Michel [[Chasles, Michel (1793-1880)|Chasles]] est décédé le 18 décembre.</ref> ; il n’a été malade que bien peu de temps, mais à 87 ans il suffit de peu de choses !
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==Notes==
<references />
==Notice bibliographique==
D’après l’original
{{Lettre 
      |id=1880-99 
      |sous-titre=Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) 
      |signataires=Mertzdorff (Emilie – épouse Froissart) 
      |destinataires=Mertzdorff (Charles) 
      |date de rédaction=19 décembre 1880 
      |personnes citées=Duméril (Louis Daniel Constant);Duméril (Félicité – épouse Duméril);Duméril (Charles Auguste);Milne-Edwards (Alphonse);Desnoyers (Aglaé – épouse Milne-Edwards);La Fontaine (Jean de);Arnould (Paule – épouse Duval);Viollet (Mlle);Guyot-Sionnest (Marguerite Amélie – épouse Denormandie);Chasles (Michel);Mertzdorff (Marie – épouse de Fréville);Fréville (Marcel de);Magdelaine (Mlle);Marquerie (Gustave Lucien);Villermé (Sophie – épouse de Fréville);Denormandie (Lucile – épouse Cordunet);Meynier (Louise – épouse Barth); 
      |lieux cités=Paris;Vieux-Thann 
      }}