Vendredi 11 et samedi 12 novembre 1881 (A)

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff épouse de Marcel de Fréville (Paris)


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Vendredi soir.

Ma chère Marie comme Léon[1] m’a dit qu’il écrivait à ses parents[2] je ne t’ai, contre mon habitude, pas donné de nouvelles de notre petite malade[3].

Elles sont toujours bonnes, & de toute autre maladie l’on pourrait franchement se réjouir & croire que c’est la fin. La fièvre est réduite, il n’est plus question de lotions d’Eau froide. Il y a encore son petit ventre ballonné mais qui lui aussi se dégonfle depuis hier.

La pauvre petite demande toujours sa maman[4] & puisqu’elle va mieux elle dit que petite mère peut bien descendre & venir la voir. La pauvre enfant ne sait pas que l’on a forcé cette maman à s’en aller à Mulhouse.

Léon était à Mulhouse hier il a laissé sa femme bien & très raisonnable elle se sent bien, n’a plus de fièvre est calme & vu son état de grossesse Léon semble rassuré, tandis que le Docteur Henry Stackler[5] était fort inquiet même lorsqu’il a quitté sa sœur. Marie couche à côté de Mme Miquey[6] elle est admirablement soignée & bien surveillée ; elle est chez de si excellents amis.

Nous étions comme je vous l’écrivais heureux de savoir qu’il n’y avait plus au village que Hélène de malade & tous les autres convalescents de cette horrible maladie typhoïde.

Hier 3 nouveaux cas dont 2 enfants dans la même maison Kolb (magasin de consommation) que vous connaissez l’une est la petite fille de la Marchande même & l’autre fille d’un employé des Kestner. la bonne du Médecin[7] même & une autre personne du village donc 4 nouveaux cas. c’est désolant. Il est vrai que jusqu’à ce jour le Docteur les a sauvés tous, mais les suites sont longues & des malades de 3 & 4 [mois] ne peuvent pas songer à travailler, les forces viennent excessivement lentement malgré l’appétit féroce qui s’ensuit.

Hélène, maintenant qu’elle va mieux commence déjà à demander à Manger, ce qui est bien bon signe.

Mon hôpital forcément est habité avant que je l’aurais voulu ; les sœurs ne suffisaient plus & j’ai dû faire venir l’une de mes pensionnaires de Thann qui est là pour aider. Quant aux autres, je ne les prends pas encore voulant faire une modification dans les 2 chambres du haut pour les y loger & laisser mes salles pour les malades ; ne pouvant pas mettre les vieilles bien-portantes avec les typhoïdes.

Je n’ai pas de nouvelles de ma sœur[8], j’espérais toujours qu’Edgard m’écrirait, je viens de le prier d’une lettre avant de me mettre en route.

Je vais tout à fait bien, je n’ai fait que courir aujourd’hui un peu partout, ne tousse plus tu tout & ai un appétit splendide, à me retenir encore.

Comme tu le vois, mon remède est héroïque. Cependant je n’irai pas encore à Nancy, avant une lettre, ce sera sans doute Mardi prochain - en quittant à 9h du matin je ne serai à Nancy qu’à 10h du soir ! il m’est impossible de prévoir le temps que je passerai auprès de ma bonne sœur, qui depuis un an est bien éprouvée.

Quant à votre proposition de rentrer à la Maison en passant par Paris, cela est bien tentant. Cela dépendra du temps que je passerai auprès de la malade. Ce n’est comme tu le vois Ni Oui ni Non, un vrai Normand !

Cette petite place pour demain matin.

Midi. Hélène a un peu plus de fièvre ce matin sans cependant avoir passé une mauvaise nuit. Léon ira ce soir 5h à Mulhouse rentrant à 10h.

Reçu lettre d’Edgard qui me dit que sa femme va de même ni mieux ni moins bien, elle se lève tous les jours, mais reste sans appétit & souffrant parfois beaucoup.

Il me demande de ne pas aller les voir avant le 18. ils attendent encore les créoles[9] pour quelques jours. Mon voyage se trouve donc remis.

Tout à toi

ChsMff


Notes

  1. Léon Duméril.
  2. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril, qui logent chez Marie.
  3. Hélène Duméril, atteinte de fièvre typhoïde.
  4. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril, éloignée de la contagion.
  5. Henri Stackler.
  6. Joséphine Fillat, épouse d’Étienne Miquey.
  7. Le docteur Louis Disqué.
  8. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel, malade à Nancy.
  9. La famille d'Henry Zaepffel.


Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Vendredi 11 et samedi 12 novembre 1881 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff épouse de Marcel de Fréville (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_11_et_samedi_12_novembre_1881_(A)&oldid=35718 (accédée le 10 mai 2024).

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