Lundi 18 novembre 1878

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)

original de la lettre 1878-11-18 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-11-18 pages 2-3.jpg


Paris 18 Novembre 1878.

Me voilà, mon petit Papa chéri, je viens te dire bonjour il est 8h tu vois que je commence bien ma journée et quoique je n’aie absolument rien à te dire je suis enchantée de venir causer un peu avec toi et je prévois que si je ne m’y mets pas tout de suite il se pourrait bien que je ne trouve plus un autre moment ; à 8h1/2 je ferai mon piano jusqu’au déjeuner puis je dessinerai (car hier je n’ai pas touché à la pauvre tête dont je t’ai fait un si lamentable portrait et c’est demain ma leçon) pour raranger convenablement l’infortunée bosse il me faudra bien 2 heures donc en admettant que je ne perde pas un instant je travaillerai jusqu’à midi, je m’habillerai alors et à 121/2 nous partirons pour la Sorbonne où a lieu le premier cours de M. Fernet[1] comme ce cours sera précédé d’un discours d’ouverture prononcé par M. Egger[2] il est peu probable que nous sortions de là avant 2h1/2 juste à temps pour nous transporter au cours de littérature de 3h. Comme M. Talbot[3] se laisse toujours entraîner nous y resterons jusqu’à 4h1/2 ; une heure de route pour revenir nous ne serons ici qu’à 5h1/2 trop tard tu vois pour la poste. Maintenant que j’ai mis une page et demie à te prouver que j’avais raison de t’écrire en ce moment je vais, mon Père chéri, te rendre compte de notre journée d’hier ce qui probablement ne sera pas long. Le matin avant le déjeuner nous avons fait une grande course, nous avons été à pied à la barrière d’Italie voir des pauvres gens qui avaient écrit à tante[4] pour implorer sa charité et sur lesquels par extraordinaire les sœurs avaient donné de bons renseignements : c’est une misère affreuse : figure-toi que le mari et la femme sont aveugles, complètement aveugles et qu’ils ont 2 petits enfants de 5 et 2 ans, malgré sa cécité cette pauvre femme tient son ménage très proprement elle lave et raccommode même le linge de ses enfants. Seulement comme ils sont très malheureux on les aide de tous les côtés et je crois qu’ils ont de quoi vivre.

Après le déjeuner nous avons été à la grand’messe puis chez bonne-maman[5] suivant l’usage et enfin nous sommes rentrées ici pour n’en plus bouger, j’ai lu du Boileau puis nous avons eu la visite de Marthe[6].
On a de bonnes nouvelles de tante Cécile[7], seulement je crois qu’elle n’est pas très bien installée, il paraît que ses cheminées ne chauffent pas et malgré un bon feu elle n’avait paraît-il que 10° dans sa chambre. Pourvu que le climat d’Arcachon leur convienne et ne soit pas trop froid ! Il se pourrait bien que M. Edwards[8] y aille faire un petit tour à la fin de la semaine pour tâcher de les installer plus confortablement. Tu sais qu’il ne regarde pas aux voyages.

Emilie[9] me charge de te dire qu’elle est très ennuyée de ne pas t’écrire à ma place mais elle a encore quelques devoirs à terminer pour Mlle Bosvy[10] qui vient à 10h.

Tante a reçu hier une lettre de Mme Berger[11] lui annonçant qu’elle avait une institutrice dont elle paraît très contente.

Adieu, my dear father, I kiss you as fondly as I can and with all my heart.
your little
Mary

J’embrasse bien fort bon-papa et bonne-maman[12] ainsi que tante M.[13] et la petite Mimi[14].


Notes

  1. Émile Fernet.
  2. Émile Egger.
  3. Eugène Talbot.
  4. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  5. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  6. Marthe Pavet de Courteille.
  7. Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
  8. Henri Milne-Edwards, père de Cécile.
  9. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  10. Marguerite Geneviève Bosvy.
  11. Joséphine André, épouse de Louis Berger.
  12. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  13. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  14. Probablement Hélène Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 18 novembre 1878. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_18_novembre_1878&oldid=40323 (accédée le 10 mai 2024).

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